Directeur du bureau d'études Général Environnement à Annaba, Loudjani Fayçal est également expert auprès du Centre national des technologies de production plus propres (CNTPP), enseignant universitaire, consultant auprès du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour la réalisation d'un guide de gestion des déchets ménagers destiné à l'ensemble des communes algériennes. - Avec l'annonce de l'existence de 2263 décharges sauvages, peut-on dire que le Programme national de gestion intégrée des déchets ménagers et assimilés (Progdem) est efficace ?
Le Progdem a été initié par le ministère de l'Environnement en 2001. Il a bénéficié d'appuis juridiques et financiers importants de la part de l'Etat, ce qui a d'ailleurs propulsé l'Algérie au premier rang des pays en voie de développement dans ce domaine, selon le représentant de la Banque mondiale. Cependant, la réussite du Progdem reste tributaire des APC qui doivent jouer le jeu. Nous avons souvent été témoins de situations où des élus locaux refusent de dégager une assiette de terrain pour l'installation d'un CET de classe II, préférant garder leur décharge sauvage. Il a donc fallu beaucoup de travail de sensibilisation et de persuasion pour faire passer des projets d'intérêt public, entièrement financés par l'Etat, et il reste encore plus de travail à faire. Bien souvent, des APC confondent la taxe d'assainissement avec celle d'enlèvement des ordures ménagères, ce qui a bloqué le recouvrement de cette dernière, privant des communes de mannes financières supplémentaires à même de contribuer au renflouement du budget de gestion des déchets au niveau local. Certaines APC s'abstiennent même de délibérer sur le montant et l'application de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour des considérations électoralistes. Le Progdem est un acquis à préserver. Nous récoltons déjà ses premiers fruits et ils seront encore meilleurs dans une dizaine d'années. Rappelons qu'il a fallu 15 ans à l'Allemagne pour instaurer le tri à la source des déchets ménagers (tri par les ménages).
- Le ministère de l'Environnement confirme l'élaboration de 1169 schémas directeurs communaux de gestion des déchets ménagers et assimilés, soit un taux de couverture de 76% du territoire national. Qu'en est-il de leur application ?
L'approbation d'un schéma directeur de gestion des déchets ménagers est du ressort de l'APC, qui doit délibérer sur ce sujet au titre du décret exécutif n°07-205 du 30 juin 2007. L'exécution du schéma directeur est également du ressort de la commune qui l'a approuvé. Il se trouve que certaines APC n'ont mis sur le terrain que les véhicules et moyens de collecte gracieusement offerts par l'Etat, sans pour autant appliquer les autres dispositions du schéma directeur (sectorisation de l'agglomération, fréquence et horaires de collecte, personnel et formation...). De plus, la loi 01-19 du 12 décembre2001 relative à la gestion, au contrôle et à l'élimination des déchets autorise les APC à sous-traiter les opérations de collecte et transport des déchets, ce qui est d'ailleurs la règle dans la plupart des pays développés. Ce qui devrait créer des emplois et débarrasser la commune du poids de cette gestion. Malheureusement, une véritable «phobie» du secteur privé hante certains élus locaux qui préfèrent s'embourber dans une gestion hasardeuse de leurs déchets plutôt que de la confier à des sous-traitants.
- Le secteur du recyclage des déchets solides n'a pas connu d'épanouissement en Algérie. Quels sont les écueils auxquels il est confronté pour se généraliser à travers toutes les wilayas ?
Chaque année, 200 000 tonnes de déchets d'emballage sont rejetées en Algérie. Les plastiques en constituent 95%. Il existe 873 récupérateurs agréés répartis sur le territoire national (2008). Il n'en existait même pas 10% avant l'arrivée du Progdem. Le secteur du recyclage est amorcé, mais sa réussite passe, à notre avis, par la mise en place de mesures encore plus incitatives (allègement et/ou exonération fiscale, assouplissement des procédures douanières pour l'importation des équipements et l'exportation des produits récupérés, etc.).
- Quel danger présentent les décharges sauvages sur le plan santé publique et environnemental ?
Le «parc» de décharges sauvages algérien occupe près de 150 000 hectares. Ce sont nos berges d'oueds, nos terrains agricoles, nos côtes et nos belles vallées qui accueillent ces taches noires. Les émanations de dioxine, les smogs asphyxiants, les odeurs, les écoulements et infiltrations dans les sols des lixiviats sont autant de dangers à prendre au sérieux. Ces décharges coûtent annuellement à l'Algérie 0,19% du PIB en impact sur la santé et 0,13% du PIB en pertes économiques.