Amnesty International, section Algérie, et la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh) ont conjointement dénoncé, hier, cette campagne "qui n'honore pas le pays". La campagne haineuse et raciste lancée particulièrement sur les réseaux sociaux contre les réfugiés et les migrants subsahariens arrivés en Algérie, dont nul ne sait pour l'heure s'il s'agit d'une opération commandée ou le fait d'individus marginaux, ne laisse pas indifférente la société civile algérienne. Deux ONG, et pas des moindres, Amnesty International, section Algérie, et la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (Laddh) ont conjointement dénoncé, hier, cette campagne "qui n'honore pas le pays", selon leur propos, et appelé la société civile à se "mobiliser" contre cette attitude condamnable à plus d'un titre, à plus forte raison lorsqu'on sait que les Algériens eux-mêmes ont connu la migration et se sont réfugiés dans nombre de pays durant la guerre d'Indépendance. "La loi doit être appliquée à ceux qui appellent au racisme et à la haine. On doit réagir en tant que société civile, mais c'est aussi le travail de la presse. Se taire, c'est se rendre complice", a déclaré, hier à Alger, lors d'une conférence de presse, Hassina Oussedik, directrice d'Amnesty International Algérie. "Il faut également appliquer la loi sur les migrants et les réfugiés qui seraient coupables de délits", a-t-elle ajouté. "Nous sommes déçus de cette campagne raciste, elle ne fait pas honneur au pays. Malheureusement, certains médias ont joué un mauvais rôle", a déploré, pour sa part, le vice-président de la Laddh, Saïd Salhi. "Il faut se mobiliser contre cette campagne haineuse et raciste, elle doit être stoppée. On est des Africains, avant tout", dit-il. Selon Hassina Oussedik, il est important que l'Algérie accorde l'accueil et leurs droits aux réfugiés, sans discrimination au même titre que les Algériens. En plus de la régularisation des Subsahariens qui travaillent, elle plaide pour un cadre juridique conforme aux normes internationales, l'abrogation de la loi qui criminalise l'immigration et l'intégration de la question du vivre ensemble dans les écoles. Aussi considère-t-elle que le droit de circulation doit être "protégé et, bien entendu, encadré" par rapport à l'aspect sécuritaire. Pour sa part, Saïd Salhi plaide en faveur d'une loi d'asile et en faveur de la révision de la Convention de Genève. "C'est l'occasion de relancer le débat sur les réfugiés et les migrants et lever l'équivoque entre ces deux qualificatifs". À propos du projet de loi sur les réfugiés, en voie d'élaboration par les pouvoirs publics, les deux animateurs se sont réjouis de cette perspective même s'ils déplorent qu'ils ne soient pas associés. "On note une volonté politique de traiter la question. On prend acte de l'engagement des autorités. La société civile n'a pas été associée, mais on espère que cette loi ouvre droit aux réfugiés à la scolarisation, à la santé et au travail. Elle doit également traquer les réseaux de passeurs", soutient Saïd Salhi. Syriens bloqués au Maroc : "Un dénouement heureux" Par ailleurs, ils se sont félicités du dénouement "heureux" du problème des Syriens bloqués dans la zone tampon entre l'Algérie et le Maroc. Les autorités marocaines ont, en effet, accueilli, hier tôt le matin, à Bouarfa, treize familles de réfugiés syriens qui étaient coincées depuis le 17 avril près de Figuig, dans la zone frontalière maroco-algérienne. Peu de temps auparavant, le Maroc avait annoncé qu'il allait procéder sur instructions du roi Mohammed VI "au traitement immédiat de la situation d'un groupe de 13 familles syriennes", "en vertu de considérations humanitaires et à titre exceptionnel", après avoir d'abord refusé de les accueillir. Début juin, l'Algérie avait annoncé son intention de les accueillir, mais l'opération n'avait finalement pas eu lieu malgré le déplacement à la frontière d'une délégation du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et du Croissant-Rouge algérien (CRA). "C'est le fruit de la mobilisation de la société civile", se sont réjouis les deux animateurs. Selon ces deux responsables, aucun chiffre n'est disponible sur le nombre de réfugiés en Algérie. "Aucune instance n'est chargée du dossier, hormis le HCR. En 2015, on a avancé le chiffre de 92 000." Karim Kebir