En souffrance depuis quelques années, les planches ont renoué avec le grand public, à l'occasion des journées théâtrales qu'a abritées la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, du 9 au 16 avril. Organisée en collaboration avec le théâtre Jean-Sénac de Marseille, l'association Si Muh u Mhand et le théâtre de La Colline, cette rencontre dédiée au dramaturge Mohia a vu la participation de plusieurs troupes du 4e art. Le rideau a été levé par la représentation El Maestro de Aziz Chouaki. Le personnage principal de la pièce est un chef d'orchestre qui fait voyager ses musiciens par touche d'images, d'horreurs et de sensations. De cet univers magique se dégage aussi une réalité de vie un peu amère. Titulaire d'un magistère en littérature anglaise, Chouaki est successivement universitaire, musicien de jazz, directeur artistique à Riadh El Feth et nouvelliste. Dès 1982, il publie Argo (poèmes, nouvelles) suivi de Baya, (un roman édité chez Laphonic à Alger en 1989) qui sera adopté et joué au théâtre des Amandiers à Nanterre en 1991. Il écrit ensuite Fruits de mer (24 textes pour la Radio Suisse romande, 1993), puis Brisants de mémoires. En juin 1997, Aziz Chouaki écrit et met en scène Les oranges. Sa dernière pièce, Une virée, a été créée par Jean-Louis Martinelli en automne 2004 au théâtre des Amandiers. Dans le genre théâtre-poésie, le public a suivi avec un grand intérêt Tant qu'il y aura du soleil, une pièce adaptée par Hamid Aouameur du roman de Youcef Sebti intitulé L'enfer et la folie. Ce metteur en scène est également directeur-fondateur du théâtre Jean-Sénac de Marseille. Il a plus de 30 ans de carrière dans le 4e art. Son show traite de la haine, de la manipulation et de l'injustice pendant l'ère coloniale. “Ce n'est pas facile d'organiser ce genre de festival même en Europe. Cela fait une année que je travaille dessus”, dira-t-il. Pour sa part, Sara Vidal a présenté un monologue intitulé De la conférence des nuages. Née à Oudjda, au Maroc, l'auteur a écrit des romans et des nouvelles dont Marseille est presque toujours l'arrière-plan émotionnel. Outre les pièces théâtrales, des tables rondes et des projections retraçant l'itinéraire artistique de Mohia étaient au programme. Feu Mohamed Ouyahia, de son vrai nom Mohia Abdellah, est, incontestablement, le militant qui aura marqué de son empreinte la production poétique et théâtrale d'expression berbère. Ses premiers pas, il les fit en tant que poète. Plusieurs de ses textes sont interprétés par beaucoup d'artistes kabyles, entre autres, Idir, Ferhat Mehenni, Ali Ideflawen, Malika Domrane, Slimane Chabi, Takfarinas… Les nouvelles et les contes n'ont pas été, du reste, négligés dans sa production. Il a également adopté plusieurs œuvres relevant du patrimoine universel, notamment Le ressuscité (Muhand Ucaâban) de l'écrivain chinois Lu Xun, La Jarre (traduction française de la Glara de Pirandello) devenue en Kabylie tacbaylit. Suivirent Medecin malgré lui de Molière, En attendant Godot de Samuel Becket, Les fourberies de Scapin, Le malade imaginaire et plusieurs autres œuvres adaptées durant sa courte et riche carrière artistique. A. T.