Le sociologue et chercheur, Nacer Djabi, a co-animé avec Noureddine Bouderba, ancien syndicaliste, expert et consultant en relations de travail, une conférence-débat qui a suscité beaucoup de réactions de la part des jeunes ayant pris part à cette université d'été du RAJ. Durant sa communication, intitulée "Jeunesse, citoyenneté et crise politique en Algérie", le sociologue s'est montré pessimiste devant la situation politique, économique et sociale de l'Algérie. Il a déclaré avec regret que nous allons vers le pourrissement car rien ne marche. D'emblée, il a tenu à rendre hommage aux animateurs du RAJ, qui ont mené une étude de terrain. "Un très bon sondage. Il confirme les sondages réalisés ces dix dernières années." Soit pour y avoir participé, soit pour y avoir lu les conclusions. Le diagnostic est partagé par tout le monde. Et de déclarer que "ce n'est pas un état d'esprit, la non-participation des jeunes. Les différents sondages le disent. Mais en même temps, on ne sait quoi faire". Les outils du changement ne sont pas opérationnels. "On va vers le pourrissement. Car rien ne marche." Plus encore, "on est conscient que l'on ne peut rien faire". Occasion pour lui d'évoquer la démographie politique en Algérie et déplorer que ce soit une minorité démographique, âgée entre 70 ans et 90 ans — un problème qui va être réglé de manière biologique — qui est aux responsabilités. Et s'appuyant sur la sociologie électorale, il a posé la question : "Qui participe aux élections en Algérie ?" Réponse : "Le vieux, le rural ou l'analphabète alors que la majorité démographique (68% à 70%) est urbaine." Et d'affirmer que "l'on vit une crise profonde du nationalisme comme idéologie". "Le nationalisme est en crise car il a vieilli. Pis, on est dans le cas d'un nationalisme presque réactionnaire. On est devant la peur du changement. Et cette peur touche le pouvoir et les partis politiques, mais aussi le citoyen." Pour preuve, il y a une expérience en Tunisie, qui est en passe de réussir, on n'en parle pas ou si on le fait c'est pour en minorer l‘importance. "On nous encourage surtout à regarder du côté de la Libye, de la Syrie ou de l'Egypte", dira-t-il avec insistance. L'orateur a indiqué que l'on s'est rendu compte qu'il n'y a pas d'institutions de représentation. Et de rappeler que l'on a déjà vécu cela durant le mouvement national, les événements du 8 Mai 1945 et, enfin, à la fin des années 50 et au début des années 60. "On n'a pas l'équivalent de l'UGTT. En un mot, on n'a pas les outils du changement." Et de déplorer que les élections tournent dans le vide. Comment peut-on alors amener les jeunes à s'intéresser à la politique, encore moins à aller voter ? Djabi est catégorique : "On est devant l'échec des solutions collectives. Pis, on est convaincu que les solutions collectives n'existent pas." Comment sortir de la logique dominante ? s'est-il interrogé. Quoique la grande tendance va plutôt vers le pessimisme, on est, selon lui, devant deux scénarios : les acteurs politiques et sociaux les plus dynamiques, qui font bouger les choses, doivent remettre en vie ces institutions de représentation. Réhabiliter le politique et rendre l'espoir. Cela passe par des élections. Mais on ne doit pas cependant retomber dans nos travers. Est-ce qu'il y a possibilité de rendre ce scénario possible ? Le sociologue est plutôt sceptique. Le deuxième scénario : la coupure ou plus exactement la rupture avec l'ancien régime. Le professeur Nacer Djabi estime que ce scénario est plus plausible. Seulement, il risque de se réaliser dans une conjoncture internationale difficile. Idem pour la conjoncture économique. "J'espère que ce n'est pas le cas et qu'il y aura surtout un sursaut." M. Ouyougoute