La règle du développement, c'est le changement «Cessons de parler de complot et de main étrangère à chaque fois que les peuples réclament liberté, justice et démocratie.» Tirant des leçons du passé et de l'expérience des révolutions arabes qui ont tourné à l'instabilité politique et économique et sociale, «les Algériens retardent le changement de peur de vivre l'expérience égyptienne, libyenne et tunisienne en particulier», a affirmé le Dr Nacer Djabi, sociologue et chercheur, lors d'une conférence-débat à la Librairie Emir Abdelkader à Alger-Centre, Intervenant dans la soirée du dimanche, dans le nouvel espace intitulé «Les débats» du quotidien Algérie News, le Dr Djabi a avancé deux scénarios possibles pour le changement en Algérie: «Soit il y a un changement pacifique interne dans les institutions, afin d'éviter la réédition de l'effusion de sang, avec plus de 200.000 morts, soit c'est la rue qui va encore revenir à la charge pour la cause», a-t-il averti. Le Dr Djabi a assimilé le mode de gouvernance en Algérie à celui des pays du Golfe qui transmettent le pouvoir à leur descendance. «Il est inadmissible que l'élite algérienne soit marginalisée et réduite au silence, alors que des personnes incompétentes et autres dépassées par l'âge et l'exigence du temps, continuent de gouverner des lumières et de compétences qui ne demandent qu'à servir le pays dans tous les domaines», a-t-il affirmé. Depuis deux ans, le printemps algérien est retardé. Avant la date fatidique du 5 Octobre 1988, tout le monde se posait des questions sur les raisons de l'absence de changement en Algérie. En l'état actuel des choses, la question s'est posée d'une autre manière. «Pourquoi n'y a-t-il pas eu un véritable changement depuis plus de 20 ans?» s'est interrogé le Dr Djabi. Qu'on cesse de parler de «complot et de main étrangère» qui déstabilisent le Monde arabe à chaque fois que les peuples réclament liberté, dignité citoyenne et régime démocratique, dénonçant toutes les thèses politique et syndicale qui brandissent la carte de l'ingérence étrangère pour rester aux commandes, malgré tous les échecs enregistrés depuis. Les études et recherches scientifiques en Europe ou dans d'autres continents, laissent entendre que «l'Occident est surpris par les révoltes arabes. C'est tout à fait logique et légitime que des peuples revendiquent le changement politique dans leurs pays», a argumenté Dr Djabi. Citant la classe moyenne à l'image des enseignants, des médecins, des journalistes et autres corps qui constituent le socle du développement et du changement démocratique dans tous les pays du monde, le conférencier a regretté que cette classe se soit transformée en mouvement de protestation et d'opposition pour dénoncer le règne de la médiocrité et la bourgeoisie féodale qui fait main basse sur les richesses du pays aux dépens du peuple. «Il n'y a qu'à revenir aux élections législatives du 10 mai dernier pour se rendre compte à quel point les tenants de la ch'kara, ne reculent devant rien pour mener leurs campagnes électorales, et cela, malgré le niveau très bas de ces arrivistes qui ne pensent qu'à leur fiche de paie et autres avantages d'un député», regrettera t-il. Ce qui est certain, selon le conférencier, c'est que «le discours politique des années 1990 a beaucoup changé.» Avant, c'était le discours de l'Etat islamiste qui régnait. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. «Même les partis islamistes ont changé de veste pour parler démocratie. C'est exactement l'histoire du chacal qui tue la chèvre et pleure avec le berger.» La règle du développement, c'est le changement.