Karima Achour est chef de service de chirurgie thoracique au CHU de Bab el-Oued et présidente de la Société algérienne d'échinococcose. Elle explique que la maladie hydatique est une infestation parasitaire endémique dans de nombreuses régions d'élevage de moutons et de bovins. Selon elle, on ne connaît pas encore les souches qui existent dans notre pays, ce qui rend impossible la vaccination des animaux pour le moment et, par conséquent, le contrôle de la maladie est inexistant. Les formes compliquées sont parfois fatales pour l'homme. Les structures hospitalières enregistrent un taux élevé de récidives et une absence totale de traitement. Liberté : Depuis votre mise en garde l'année dernière, quelles mesures ont été prises pour contrer la contamination de la population par le kyste hydatique ? Le Pr Achour : Il n'y a rien eu sur le plan prise en charge étatique. Devant cet état de fait, nous avons créé une société savante réunissant tous les experts, en rapport avec la maladie. Nous allons aussi organiser en Algérie, du 4 au 7 octobre prochain, un congrès mondial sur le kyste hydatique en présence de représentants de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Nous allons sortir avec des recommandations qui, je l'espère, seront appliquées sur le terrain.
La prévalence de la maladie hydatique est sous-estimée en Algérie, pourquoi ? La maladie hydatique est sous-estimée en Algérie, car il n'y a pas de registre de déclaration de cette maladie dans notre pays à l'instar de la maladie cancéreuse qui est pourvue de plusieurs registres, et ce, bien que l'OMS ait rendu sa déclaration obligatoire de par le monde depuis une dizaine d'années. Sur le papier, c'est une maladie à déclaration obligatoire, comme le recommande l'OMS, mais sur le terrain, c'est toute autre chose. Les données du ministère de la Santé sur cette maladie ne sont pas fiables, car la récupération des informations doit se faire dans les services de chirurgie et non dans les services de médecine, puisqu'il n'y a que la prise en charge chirurgicale qui est assurée en Algérie. Il n'existe pas de prise en charge médicale efficiente sur le terrain.
Disposez-vous de quelques chiffres de son incidence par an ? Oui, nous avons une estimation approximative, qui est de 7 à 8 /100 000 habitants. Cela rejoint l'incidence du cancer dans notre pays.
La découverte de cette affection se fait le plus souvent au stade des complications engageant parfois le pronostic vital. Comment peut-on éviter cette situation ? En Algérie, il n'y a que le traitement chirurgical, comme option thérapeutique pour le patient (qui est certes indispensable) pour soigner l'organe atteint (foie, poumon, cerveau, os, viscères abdominaux pelviens, colonne vertébrale...). Le traitement médical, qui doit s'associer à la chirurgie pour un maximum d'efficacité, manque énormément chez nous. Cette option chirurgicale est destinée à traiter l'homme, qui est un hôte accidentel. Alors que les différents vecteurs de la propagation de la maladie ne sont pas pris en charge, à savoir la vaccination des cheptels ovins, bovins et camélidés, ainsi que le contrôle des chiens errants et leurs vermifugages, car on ne peut espérer éradiquer cette maladie en traitant seulement l'homme. Vous qualifiez la maladie hydatique de cancer blanc. Cette comparaison n'est-elle pas un peu exagérée ? Cela n'est pas du tout exagéré car, comme pour le cancer, le kyste hydatique se présente avec des similitudes cliniques : * les formes évoluent insidieusement, jusqu'à détruire tous les organes atteints * il y a des découvertes précoces qui peuvent être guéries, mais il y a des patients tellement atteints qu'il ne reste aucune option thérapeutique envisageable, jusqu'à ce que la maladie les emporte. * nous sommes amenés à opérer des patients plusieurs fois, car la récidive est fréquente. On ne connaît pas réellement les souches qui existent dans nos régions, car peu d'études de recherches dans ce sens ont été faites, donc pas de vaccin pour les animaux envisageable pour le moment, ce qui rend le contrôle de la maladie inexistant chez nous...
Peut-on dire que la période de l'Aïd durant laquelle les abattages sont effectués quasiment sans contrôle vétérinaire est propice à la propagation de cette affection ? L'Aïd est un grand pourvoyeur dans la propagation de cette maladie, par méconnaissance. C'est une maladie qui provient des animaux, et quand les abats des ovins ou des bovins sacrifiés sont atteints, il faut les incinérer, sinon ils sont systématiquement déterrés par les chiens qui s'en nourrissent. La chaîne de transmission est ainsi de nouveau réactivée, sachant que les selles des animaux atteints sont remplies d'œufs de ce parasite qui sont résistants à des températures extrêmes, et qui vont se propager partout aidés par le vent pour se déposer sur les légumes et les fruits que nous consommons. Et c'est là que le cauchemar commence pour l'homme... Entretien réalisé par Nissa H.