Les détenus du Hirak "ont été emprisonnés sur la base d'aveux extorqués sous la menace", accuse HRW, critiquant vivement les forces de sécurité et la justice marocaines et suggérant à Mohammed VI d'ordonner une enquête "sérieuse". Pour Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch (HRW), "l'éloge royale inconditionnelle des forces de sécurité, malgré les accusations qui pèsent contre elles, ne fera qu'ancrer la certitude qu'au Maroc, on peut abuser d'un détenu sans répondre de ses actes". Et pourtant, le Code de procédure pénale marocain n'admet aucune déclaration préparée par la police qui ne peut être admise comme preuve si elle est obtenue sous la contrainte ou par la violence. Mais en réalité, les tribunaux ont condamné régulièrement des inculpés sur la base "d'aveux" contestés, sans ouvrir d'enquêtes sur les allégations de torture et autres mauvais traitements. Cette tendance ne pourra qu'être confortée par le soutien royal aux agissements de la police vis-à-vis des manifestants du Rif, a déclaré Human Rights Watch. Sur sa lancée, elle a suggéré au roi Mohammed VI d'ordonner une enquête sérieuse et probante sur les accusations de torture portées par manifestants du Hirak du Rif contre la police marocaine. Pour rappel, le souverain alaouite avait pratiquement disculpé dans son discours télévisé à l'occasion de la Fête du Trône du 30 juillet dernier, les forces de l'ordre de toute responsabilité dans les troubles survenus à Al Hoceima, chef-lieu de la région du Rif, en affirmant qu'elles avaient fait preuve "de retenue et [...] d'un grand respect de la loi". Pour HRW, Mohammed VI a fait fi des rapports de médecins légistes qui, après avoir examiné des détenus du Rif, ont constaté des lésions accréditant les accusations de violences policières. En effet, selon ses rapports, demandés par le Conseil national des droits de l'homme (CNDH), un organisme d'Etat indépendant, plusieurs détenus attestent que la police les aurait contraints à signer leurs procès-verbaux d'interrogatoire sans les lire. Plusieurs parmi eux purgent aujourd'hui des peines de prison, tandis que d'autres sont en détention préventive. Si elles ont toléré plusieurs manifestations du Hirak, les autorités marocaines ont interdit celle, majeure, du 20 juillet à Al Hoceima en dispersant ceux qui ont bravé l'interdiction à coups de gaz lacrymogènes, souligne le rapport de HRW. Après sept mois de manifestations sporadiques, les autorités ont commencé à la fin du mois de mai à arrêter les manifestants. Selon des sources bien informées, 216 sont aujourd'hui derrière les barreaux, dont 47 en attente de jugement à la prison d'Oukacha, et 169 déjà condamnés ou en attente de jugement de première instance ou d'appel à la prison régionale d'Al Hoceima. HRW souligne qu'à la veille de la Fête du Trône, le roi Mohammed VI a gracié 1 178 prisonniers, dont 42 membres du Hirak. Parmi ces derniers ne figurait aucun des 32 condamnés d'Al Hoceima, ni aucun de ceux examinés par les médecins légistes. Merzak Tigrine