Sur les 16 parlements régionaux en Allemagne, l'extrême droite siège dans 13 d'entre eux, sans oublier le Parlement européen avec huit députés, dont sept sont issus de l'AfD. L'extrême droite allemande est devenue depuis dimanche soir la troisième force au Parlement après sa percée historique lors d'une législative qui a offert une victoire en demi-teinte de l'actuelle chancelière Angela Merkel, promise pour un quatrième mandat. Le Parti de droite nationaliste AfD (anti-islam et anti-migrants) a obtenu en effet entre 13,1% et 13,2% des voix, soit l'équivalent de 90 sièges, selon les estimations officielles, provoquant un séisme politique à Berlin. Dans les régions plus défavorisées d'ex-RDA à l'est, où vivent peu d'étrangers, l'AfD a même obtenu 21,5% des voix, devenant la deuxième force politique derrière les conservateurs de la CDU, auquel appartient Mme Merkel, et qui n'a recueilli que 33% des voix, son pire score depuis 1949. "Nous allons changer ce pays", a lancé la co-tête de liste, Alexander Gauland, en promettant de mener "une chasse" contre Angela Merkel et de "regagner notre pays et notre peuple". Pour l'autre co-tête de liste, Alice Weidel, l'AfD a enregistré un "résultat éblouissant". "Nous sommes là pour rester", a-t-elle assuré. Elle a promis que le premier geste de son parti serait de réclamer une commission d'enquête parlementaire sur la décision d'Angela Merkel d'ouvrir la porte de son pays aux réfugiés en 2015 et 2016. Les sociaux-démocrates du SPD (Parti social-démocrate d'Allemagne de Martin Schulz), qui ont rompu leur alliance avec la CDU, sont sortis affaiblis de ce scrutin avec seulement 20,5%, contre 10,7% pour les libéraux du FDP (Parti libéral démocrate), suivis par les Verts avec 8,9%. Ces derniers pourraient faire partie, avec le FDP, de la nouvelle alliance gouvernementale que Merkel doit recomposer pour disposer d'une majorité confortable au Parlement. "Tous les partis qui sont à nos yeux compatibles pour une coalition ont une responsabilité pour permettre l'émergence d'un gouvernement stable", a-t-elle dit. Sa mission sera difficile et pourrait prendre des mois, en raison des divergences entre les Verts et les libéraux sur certains dossiers. Aussi, la volonté de Mme Merkel de poursuivre sa politique migratoire, en accueillant plus de réfugiés et de migrants, alimente les camps de l'extrême droite, dont la victoire n'est en effet que le résultat d'un retour des nationalismes à travers plusieurs pays du continent européen. L'arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, avec comme politique migratoire la restriction du nombre d'arrivées sur le sol américain et le renforcement du dispositif des expulsions vers le pays d'origine des migrants illégaux, a réconforté l'extrême droite allemande. La sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne a constitué un argument fort pour les partis eurosceptiques qui se voient ainsi renforcés après ces législatives. À noter que la reconduction de Mme Merkel ne peut être formalisée qu'après la formation de la future coalition gouvernementale. En d'autres mots, en cas d'échec, un nouveau scrutin législatif risque d'être convoqué. Lyès Menacer