Liberté : Qu'évoque pour vous la commémoration du 20 Avril ? Mouloud Lounaouci : Les souvenirs qui remontent à la surface sont ceux des jeunes militants que nous étions alors. D'extraction sociale modeste, nous n'avions que nos convictions et notre foi en notre combat à opposer au régime et à son oppression. Les évènements d'Avril 80 constituent le socle premier du combat démocratique pacifique contre le glacis du parti unique. La revendication identitaire toujours couplée à l'exigence des libertés démocratiques a d'abord surpris, puis ébranlé un système politique installé dans la certitude que la répression et l'omnipotence de la police politique avaient définitivement cassé les ressorts et l'aspiration à la liberté de la société. Ni la répression ni les emprisonnements n'avaient altéré notre détermination. Cette génération de militants a résisté sans céder devant les multiples sollicitations du pouvoir. C'est cela notre fierté. C'est cela qui constitue aujourd'hui encore un des repères les plus solides qui guide les jeunes militants. Quelle leçon le pouvoir a-t-il tirée du message d'Avril 80 ? Vous savez, si le système politique a subi un lifting en surface en admettant, contraint et forcé, l'existence du multipartisme et une relative liberté de la presse, la tendance lourde reste tout de même le retour au contrôle systématique de la société. La répression sanglante du Printemps 2001 a démontré que le régime est incapable d'opposer à la société autre chose que la répression et la manipulation. La criminelle obsession de vouloir casser à tout prix une région rebelle peut se résumer à ceci : il faut étouffer l'espoir d'émancipation en Kabylie pour éviter les risques de contamination à l'ensemble de la nation. Briser toute activité économique, brouiller les repères politiques en s'attaquant au FFS et au RCD, enrôler la délinquance pour pervertir et décrédibiliser l'action politique, encourager la corruption, voilà toute la stratégie du pouvoir. Quelles sont, selon vous, les perspectives d'avenir ? L'oppression et la manipulation sont des armes qui marchent un temps, jamais longtemps. Aujourd'hui, la décantation s'est faite. Entre les félons que l'on fait fonctionner à coups de milliards et de privilèges et le reste de la population, les choses se sont clarifiées. Le combat idenditaire a produit des repères et une mémoire qu'on ne peut perturber par la délinquance et la corruption, comme on ne peut pas effacer le combat politique porté par une génération de militants (RCD et FFS). Réinstaller la mémoire, c'est de cela qu'il s'agit, c'est le combat de l'heure. Le pouvoir qui s'entête à vouloir étouffer l'espoir de liberté qui pulse le cœur de la société aura fait couler du sang et fait perdre du temps à l'émancipation citoyenne, mais il a aussi provoqué un sursaut de dignité qui mettra en échec sa stratégie de pacification et de normalisation. Y. A.