On les appelle les "manifestations de la soif" : dans le sud du Maroc, des habitants protestent régulièrement contre les coupures d'eau récurrentes. À Rabat, la question a été érigée en priorité et le roi s'est lui-même inquiété de la "sécurité hydrique" du pays. "Vivre sans eau est un enfer !", souffle Atmane Rizkou, président de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) à Zagora, la principale ville du Sud marocain frappée par cette "crise de l'eau". "La situation est critique, c'est une souffrance quotidienne pour les habitants", s'indigne également Jamal Akchbabe, président de l'Association des amis de l'environnement de Zagora, joint par téléphone. Située aux portes du désert, Zagora, localité de plus de 30 000 habitants, se trouve à près de 700 km de Rabat, par-delà les massifs de l'Atlas. Depuis le début de l'été, "des familles restent plusieurs jours sans eau du robinet, d'autres n'y ont droit que quelques heures par jour", affirme M. Akchbabe. "Cette eau est en plus imbuvable, alors les gens achètent de l'eau potable vendue dans des bidons", ajoute-t-il. Pour se faire entendre, les habitants de Zagora ont organisé ces derniers mois plusieurs manifestations pacifiques, d'abord tolérées par les autorités. Mais, le 24 septembre, les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser une marche et ont interpellé sept personnes, poursuivies pour "participation à une manifestation non autorisée", indique le responsable local de l'AMDH. Le 8 octobre, lors d'une nouvelle marche, la police a "quadrillé la ville et utilisé la force", interpellant 21 personnes, poursuivies pour les mêmes chefs d'accusation, alors que "des heurts ont opposé des jeunes manifestants aux policiers", selon Jamal Akchbabe. "Les manifestants ont subi la répression, les insultes, l'humiliation. La ville est en état de siège", fustige-t-il. À l'origine de cette pénurie, un déficit pluviométrique combiné à la surexploitation des nappes phréatiques par l'agriculture, principalement "la culture de la pastèque qui consomme énormément d'eau", affirme M. Akchbabe. Les protestataires accusent le ministère de l'Agriculture d'avoir encouragé cette culture qui "profite aux grands agriculteurs au détriment des habitants". L'Office national de l'eau potable (Onep) est également critiqué pour sa "passivité" dans la gestion de la crise. Du côté de l'exécutif, les réunions s'enchaînent pour trouver des solutions. Fin septembre, le chef du gouvernement Saâd-Eddine El-Othmani a promis des "mesures d'urgence et d'ordre stratégique". Quelques jours plus tard, le roi Mohammed VI a ordonné de mettre en place une "commission qui se penchera sur ce sujet pour trouver des solutions adéquates dans les prochains mois". R. I./Agences