Après 8 mois de manifestations populaires, de colère et de perte de vie, déclenchées ,juste après, la mort de Mohcine Fikri le jeune marchand de poissons broyé par une benne à ordure à Al-Hoceima, au Maroc, le gouvernement de Rabat, se trouve aujourd'hui devant un vrai défi : répondre aux revendication des habitants du Rif qui se voient marginalisés. Lors de sa parution dans d'une émission spéciale diffusée, samedi soir, sur les chaînes de télévision marocaines, Al Oula et 2M, le Chef du gouvernement marocain, M. Saâd-Eddine El Othmani, a indiqué que son gouvernement abordera avec le sérieux nécessaire les revendications économiques, sociales et de développement, exprimés par les habitants de la province d'Al Hoceima. Le gouvernement a adopté deux approches pour traiter les événements d'Al Hoceima, dont d'abord une approche politique basée sur le dialogue, a précisé M. El Othmani. Il a fait part à cet égard de la disposition du gouvernement de soutenir toute initiative civile de dialogue. La deuxième approche, a ajouté le Chef du gouvernement, concerne le volet de développement "auquel l'Exécutif a accordé de l'intérêt sur tous les niveaux à travers le suivi des rencontres des ministres concernés, qui supervisent les programmes dans la région". "En application des orientations royales fermes il a été décidé de tenir une rencontre hebdomadaire des ministres concernés pour le suivi des programmes sur le terrain" et d'exhorter les ministres de se rendre dans la région pour suivre de près l'état des lieux de leur exécution, a-t-il expliqué, rappelant que le Roi a ordonné la mise en place d'une commission d'enquête pour déterminer les responsabilités sur le retard enregistré dans la mise en œuvre de projets dans la région. L'Agence de développement des provinces du Nord a lancé plus de 200 appels d'offres englobant les domaines de la santé, de l'habitat, de l'environnement et des infrastructures "ce qui fera de la province un chantier de réalisations dont les résultats seront ressentis par les citoyens dans de brefs délais", a souligné M. El Othmani, faisant observer que l'intérêt accordé par le gouvernement à la province d'Al Hoceima concerne également les autres régions du Royaume. Dans ce sens, il a salué la mise en place d'une cellule au sein du Département du chef du gouvernement pour fixer la liste des plans de développement programmés dans les différentes provinces et régions, suivre les réalisations des différents départements gouvernementaux et détecter les dysfonctionnements. S'agissant de l'accélération de la mise en œuvre du chantier de la régionalisation avancée, M. El Othmani a indiqué que le gouvernement œuvrera pour la promulgation du reste des décrets d'application (7 au total), rappelant que l'Exécutif a adopté 26 décrets relatifs aux différents volets de l'application de ce chantier structurant. Le gouvernement accompagnera cette nouvelle expérience qui souffre quelques difficultés, tout en veillant à adopter une approche participative intégrant les différents intervenants, a-t-il fait savoir. Priorité à l'éducation, la santé, et l'emploi Répondant à une question sur les priorités de l'actuel gouvernement, M. El Othmani a expliqué que ces priorités sont axées particulièrement sur les questions de l'éducation, de la santé, de l'emploi, de la restructuration de l'économie nationale, de la promotion des investissements et du soutien des entreprises nationales tous genres confondus, citant à cet égard une série de mesures pratiques que le gouvernement compte entreprendre dans ce sens. En ce qui concerne la moralisation de la vie publique, le Chef du gouvernement s'est attardé sur la stratégie de lutte contre la corruption qui entrera en vigueur après l'élaboration du décret relatif à la commission de lutte contre la corruption qui sera opérationnelle selon un programme précis.
Près de 80 policiers blessés dans les violences D'autre part, et selon une source confirmée, près de 80 policiers ont été blessés ces deux derniers jours dans des heurts avec des manifestants dans le nord du Maroc, où l'on ignorait toujours le bilan du côté des protestataires. Une cinquantaine de membres des forces de l'ordre ont été blessées lundi dans la ville d'Al-Hoceïma, la plupart par des jets de pierres, a indiqué une source au sein de l'exécutif local. Mardi, ce sont 29 policiers qui ont été blessés lors de nouveaux heurts dans la localité voisine d'Imzouren, alors que la situation est restée calme à Al-Hoceïma, avec de simples protestations par des concerts de casseroles, selon cette même source. Tous ces blessés étaient sortis de l'hôpital ce mercredi, a ajouté ce responsable. Aucun bilan n'était en revanche disponible du côté des manifestants. Des affrontements avaient éclaté lundi, jour de l'Aïd al-Fitr, à Al-Hoceïma, épicentre d'un mouvement de contestation pacifique qui secoue le nord du royaume depuis huit mois. Selon des militants locaux, la police avait verrouillé les accès à la ville et dispersé violemment toute tentative de rassemblement. Une figure des droits de l'Homme au Maroc et membre de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Khadija Ryadi, a fait état "d'environ 150 arrestations au cours de ces violences selon nos sources sur place". "Une quarantaine étaient toujours détenues ce matin. Beaucoup sont originaires de localités voisines et ont été interpellées alors qu'elles venaient manifester", a expliqué Mme Ryadi. "Les habitants ne se rassemblent plus dans un unique quartier pour manifester, ils protestent désormais dans plusieurs quartiers en même temps. Les forces de l'ordre interviennent alors immédiatement, usant parfois de gaz lacrymogène malgré la présence de femmes et d'enfants", a-t-elle critiqué. "Ce lundi de l'Aïd a été un jour très violent, beaucoup plus que les jours passés", selon Mme Ryadi. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, relayées par des partisans de la contestation, ont montré des interventions musclées des policiers à coups de matraques dans les ruelles de la ville, avec des jeunes laissés inconscients à terre ou le visage ensanglanté.
On réclame la libération des détenus du "hirak Les autorités locales ont de leur côté dénoncé des "groupes d'individus, dont certains encagoulés, qui ont provoqué et caillassé les forces de l'ordre". Les protestataires réclamaient la libération des détenus du "hirak", nom du mouvement de contestation qui revendique le développement d'une région se disant "marginalisée". Le leader du mouvement, Nasser Zefzafi, et ses principales figures ont tous été interpellés depuis la fin mai. Les critiques d'ONG locales et internationales se sont depuis lors multipliées pour dénoncer la "répression" et "les arrestations arbitraires", tout en appelant à la libération des prisonniers. Cette "approche sécuritaire" est également contestée au sein de la classe politique, de la société civile ou dans les médias. Elle "conduit tout le pays à une catastrophe. Nous allons payer un prix très, très cher pour tout ça", a ainsi dénoncé le politologue et journaliste Abdellah Tourabi. L'Etat marocain a relancé ou accéléré ces derniers mois un vaste programme de projets d'infrastructures dans la province. Mais le roi Mohammed VI a tancé dimanche ses ministres pour la "non exécution", "dans les délais impartis", de ces projets et ordonné une enquête pour déterminer les responsabilités de ces retards.