L'AMDH a soutenu la nécessité de mettre en place un mécanisme onusien pour surveiller et rendre compte de la situation des droits de l'homme au Sahara occidental. Les organisations non gouvernementales (ONG) internationales de défense des droits humains ne sont plus les seules à dénoncer la situation de non-droit qui prévaut dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc. Dans son rapport sur les manifestations réprimées dans le sang, organisées le 26 avril dernier par des citoyens sahraouis dans la ville occupée d'El Ayoun pour revendiquer leur droit à l'autodétermination, l'Association marocaine des droits humains (AMDH) a exprimé aussi mercredi sa préoccupation face aux atteintes massives aux droits de l'homme au Sahara occidental. Pour arrêter la répression à laquelle recourent de façon systématique les forces d'occupation marocaines pour étouffer les revendications des Sahraouis, l'AMDH a soutenu la nécessité de mettre en place «un mécanisme onusien pour surveiller et rendre compte sur la situation des droits de l'homme au Sahara occidental». Ce mécanisme s'impose d'autant, insistent les animateurs de l'AMDH, que «les forces marocaines font usage d'une force excessive et d'une violence rare». Dans son rapport, l'Association marocaine des droits humains rapporte en outre que «les forces marocaines empêchent, par la force, les citoyens sahraouis d'exercer leur droit légitime à manifester pacifiquement garanti par les chartes internationales des droits de l'homme». Ainsi qu'il fallait s'y attendre, le rapport de l'AMDH a fait sortir la monarchie marocaine de ses gonds. Dans un communiqué rendu public le 1er mai 2013, le ministère marocain de l'Intérieur a accusé les responsables de l'AMDH de chercher à «dévaloriser l'action des forces de l'ordre et de les accuser d'actes abominables, tout en leur attribuant l'entière responsabilité de ce qui s'est passé à El Ayoun». Pour se dédouaner des atteintes aux droits de l'homme enregistrées au Sahara occidental, les autorités marocaines ont, par ailleurs, accusé des «parties étrangères» d'avoir instrumentalisé les manifestants. Bien évidemment, Rabat faisait allusion à l'Algérie, pays auquel elle reproche régulièrement de soutenir les indépendantistes sahraouis. La provocation ne s'arrêtera pas là. Une provocation en cache une autre Le secrétaire général du parti marocain Al Istiqlal, Hamid Chebat, y a aussi rajouté du sien en appelant le même jour à la «reconquête» de plusieurs régions frontalières algériennes. Intervenant au cours d'un meeting animé à Rabat, il a en effet «exigé» de l'Algérie qu'elle se retire notamment de Tindouf, Al Qanadsa et Hassi Beïdha, des régions qu'il considère comme étant marocaines. Tout en réitérant aussi la «marocanité des territoires sahraouis», M. Chebat n'a ainsi pas manqué de critiquer l'Algérie pour son soutien à la cause sahraouie. Selon de nombreux observateurs, le discours belliqueux et provocateur employé par cet homme politique connu pour sa grande proximité avec le roi Mohammed VI est, en partie, destiné à détourner l'attention d'une opinion marocaine frappée durement par la crise économique et excédée par la politique d'austérité du gouvernement. Preuve du caractère délicat du contexte économique et social dans lequel se trouve actuellement le Maroc, un round du dialogue social prévu pour aujourd'hui a été annulé à la suite du refus de plusieurs centrales syndicales d'y participer. Plusieurs milliers de personnes ont par ailleurs manifesté le 1er mai dans le centre de Rabat à l'occasion de la Fête du travail pour «dénoncer vivement la politique du gouvernement». Parmi eux figuraient des diplômés au chômage et des fonctionnaires réclamant de meilleures conditions de travail. Ceux-ci ont promis de battre à nouveau le pavé en cas où leurs revendications ne seraient pas prises en charge. Face à cette donne sociale difficile, le makhzen n'a rien trouvé de mieux pour faire diversion que d'ouvrir un «front» avec l'Algérie. Non disposée à laisser passer une telle «ineptie», l'Algérie a tenu à réagir à la sortie du ministère marocain de l'Intérieur. Un haut responsable algérien a ainsi qualifié les accusations marocaines de «réflexe obsessionnel qui consiste à diriger un doigt accusateur vers l'Algérie à chaque convulsion au Sahara occidental». Un réflexe qui, ajoute-t-on, a «montré son inanité». Comme prévisible à chaque soubresaut que connaîtront les territoires sahraouis occupés en raison de la violation des droits élémentaires de ses occupants légitimes comme le droit de manifester pacifiquement, d'aucuns au Maroc seront prompts à crier au «complot ourdi par l'Algérie en croyant peut-être que la communauté internationale va se laisser berner», affirme-t-on encore à Alger sur un ton de lassitude. Rabat appelle les lobbies sionistes à la rescousse A ce propos, la même source ajoute que «même des pays réputés alliés du Maroc et qui ont contribué à l'échec de l'initiative américaine portant sur la surveillance des droits de l'homme dans les territoires occupés ont clairement regretté les dernières violences qui ont suivi un rassemblement pacifique à El Ayoun en rappelant leur attachement au droit à manifester pacifiquement et en reconnaissant par là même qu'il y a un problème en matière de protection des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés». Non content également de la manière avec laquelle Rabat gère le dossier sahraoui, Washington a dernièrement claqué la porte au nez à certains responsables marocains. Fassi Fihri, un des conseillers du roi Mohammed VI, a ainsi dû faire le pied de grue pendant 15 jours dans la capitale fédérale américaine avant d'être reçu par John Kerry. La rencontre qui aurait finalement eu lieu, selon la MAP, le 30 avril dernier, se serait déroulée en l'absence du ministre des Affaires étrangères, Saâdeddine El Othmani. Taïeb Fassi Fihri aurait été accompagné par Youssef Amrani, ministre délégué aux Affaires étrangères, Mohamed Yassine Mansouri, patron de la DGED, et Rachad Bouhlal, ambassadeur de Rabat à Washington. Il est tout de même à signaler que le planning officiel de John Kerry pour les journées du 29 et du 30 mai ne fait aucune mention de la rencontre avec la délégation marocaine. Habituellement, toutes les rencontres du secrétaire d'Etat sont annoncées sur le site web du State Department avec photo de l'audience. Chagriné de ne pas avoir reçu un mot de remerciements de la part du président Obama à la suite de son message de condoléances pour les attentats de Boston, le roi Mohammed VI a ainsi dû être rassuré de voir enfin ses envoyés spéciaux reçus au département d'Etat américain. Néanmoins, cette petite réunion ne semble pas avoir complètement dissipé ses angoisses. Le nouveau secrétaire d'Etat John Kerry a amorcé un mouvement de rééquilibrage en faveur de l'Algérie. Et la grande appréhension des Marocains provient du fait justement que le département d'Etat donne désormais la préférence à l'Algérie en termes de partenariat stratégique. Et cela a commencé avant même l'épisode du Conseil de sécurité. Pour tenter de renverser la vapeur, Fassi Fihri a d'ailleurs, semble-t-il, mis à profit son séjour à Washington pour mobiliser les réseaux traditionnellement acquis au Maroc. Bien entendu, il n'a pas omis d'appeler les lobbies sionistes à la rescousse...