Ce rappel salutaire qui a tendance à "dé-flniser" l'histoire montre que l'ingratitude et le déni des erreurs passées rendent presque impossible, aujourd'hui, toute idée de rédemption dans le "discours dominant" qui, par ailleurs, n'hésite jamais, au gré de ses intérêts, de verser dans le révisionnisme le plus surprenant. Chaque rentrée littéraire intervenant à la veille du Salon international du livre d'Alger et coïncidant avec la commémoration du déclenchement de la Révolution de Novembre, comporte de nouvelles livraisons au sujet de l'historiographie de l'Algérie. Des ouvrages qui, soit dit en passant, se vendent comme des petits pains. Pour cette édition, il va falloir compter sans doute sur l'écoulement à grande échelle du dernier livre de Malika Rahal, L'UDMA et les Udmistes- contribution à l'histoire du nationalisme algérien, paru aux éditions Barzakh. "M'intéresser ainsi à un objet d'étude occulté, c'est (...), à mon sens, contribuer à faire ressurgir – bien au-delà de la seule UDMA – 10 années d'expériences partisanes (1946-1956) et de pluralité politique malgré la domination coloniale. C'est aussi mener une réflexion sur la construction – dès l'époque – d'un discours de disqualification de l'UDMA qui aura la vie longue. Or, on va le voir, cette disqualification pose à l'histoire contemporaine de l'Algérie les questions fondamentales de la pluralité et de la place de la violence dans la vie politique (...). Il est vrai que pour des considérations politiques, claniques ou régionales, l'écriture de l'histoire continue à faire l'objet d'une abjecte instrumentalisation". "Ainsi donc, proposer comme le fait ce livre une histoire de l'UDMA, c'est tenter de se libérer autant des appréciations contemporaines sur les partis politiques que de l'histoire dominante pour décrire la façon dont, durant une décennie, les hommes se sont organisés en partis. C'est aussi proposer une entrée pour mieux connaître, avant l'ouverture démocratique des années 1989-1991, l'autre grande expérience pluraliste de la vie politique algérienne", avertit d'emblée l'auteure Malika Rahal qui est, notons-le, une spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Pour contrer cette "amnésie", une véritable chape de plomb qui pèse s'il en est sur l'écriture de l'histoire récente de notre pays, cette chargée de recherche à l'Institut d'histoire du temps présent, une unité du CNRS français propose de revisiter le parcours de l'Union démocratique du manifeste algérien, ou UDMA, un parti politique créé par Ferhat Abbas en 1946. Il s'agit en l'occurrence d'un travail académique qui vient battre en brèche l'ostracisme qui a longtemps frappé l'UDMA, les Udmistes et singulièrement la figure de Ferhat Abbas, président du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), qui après avoir été élu président de l'Assemblée nationale constituante à l'indépendance, était devenu le premier chef de l'Etat de la République algérienne démocratique et populaire. "L'Etat-FLN produisait (...) un discours valorisant sa propre position durant le conflit, au détriment des forces politiques concurrentes. Il occultait la multiplicité des héritages et des traditions politiques développées en Algérie avant l'indépendance, en revendiquant une filiation unique et linéaire qui part de l'Etoile nord-africaine (ENA), créée à Paris en 1926, passe ensuite par le Parti populaire algérien (PPA), fondé après l'interdiction de l'ENA par le Front populaire en 1937, et son pendant légal, le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), et aboutissait enfin au FLN", récapitule Malika Rahal. Ce rappel salutaire, qui a tendance à "dé-flniser" l'histoire, montre que l'ingratitude et le déni des erreurs passées rendent presque impossible aujourd'hui toute idée de rédemption dans le "discours dominant" qui, par ailleurs, n'hésite jamais, au gré de ses intérêts, de verser dans le révisionnisme le plus surprenant. S'agissant enfin d'une histoire récente, les médias publics continuent pour leur part à abonder dans le sens du discours dominant en jouant sur la fibre patriotique et "l'héroïsme du peuple algérien", et cela sans jamais susciter la moindre réflexion. Sur un autre registre, la société algérienne, qui connaît actuellement un tragique repli identitaire, se laissant gangréner par les réflexes de rejet de l'autre, pour toutes sortes de raisons : ses croyances, ses origines, sa langue, son statut social, sa sexualité, sa façon de penser, gagnerait, grâce à ce genre de récit ou plutôt un contre-récit, à retrouver ses repères. Depuis quelques jours, l'auteure anime une série de rencontres à (Oran, Tlemcen, Alger, Sétif) pour la présentation de son livre. Elle sera présente, notamment, vendredi 20 octobre à la libraire "L'arbre à dires", à Alger, aux côtés de son éditrice Selma Hellal, et samedi prochain, à la Maison de la culture de Sétif, à l'invitation de l'Association des anciens élèves du lycée Kerouani. Mohamed-Chérif LACHICHI L'UDMA et les Udmistes. Contribution à l'histoire du nationalisme algérien, de Malika Rahal, Editions Barzakh, 2017, 517 pages.