Une plaque commémorative a été dévoilée, hier, sur le pont Saint-Michel, à Paris, pour la reconnaissance d'un crime d'état. Les membres du Collectif du 17 Octobre 1961 avaient espoir encore hier de recevoir une réponse à l'appel qu'ils ont adressé au début du mois à Emmanuel Macron. Les signataires, des historiens et des militants anticolonialistes, avaient demandé au président français de requalifier les massacres de crime d'Etat et de les condamner. Mais le locataire du Palais de l'Elysée est resté silencieux. Aucun représentant de l'Etat n'était d'ailleurs présent aux cérémonies commémoratives du 56e anniversaire de cette tuerie. La principale manifestation a eu lieu sur le pont Saint-Michel. Des élus locaux, des représentants de l'ambassade d'Algérie en France, les membres du collectif du 17 Octobre 1961, ainsi que des anonymes y ont, en revanche, pris part. Une plaque commémorative a été dévoilée, à cette occasion. Elle transcrit les revendications des signataires de l'appel au président sous la forme du texte suivant : "À la mémoire des centaines d'Algériens tués lors des manifestations pacifiques du 17 Octobre 1961 par des policiers agissant sous l'autorité du préfet Maurice Papon. Reconnaissance de ce crime d'Etat." Dans les colonnes du journal La Croix, l'historien Emmanuel Blanchard estime que la reconnaissance du crime d'Etat par le président Macron est une démarche complexe. "Il est plus simple pour un candidat en déplacement en Algérie de qualifier la colonisation de crime contre l'humanité que pour un président de la République de reconnaître l'implication concrète de l'Etat dans un massacre", explique-t-il. Alors qu'il s'était engagé pendant la campagne électorale à porter, une fois élu, un discours fort sur la Guerre d'Algérie, M. Macron n'a plus jamais évoqué le sujet, après son arrivée à l'Elysée. Pour M. Blanchard, le geste est d'autant plus périlleux dans le cas des massacres du 17 Octobre car c'est l'image de la police qui est mise à mal. "Du fait de la menace terroriste, le gouvernement se préoccupe beaucoup des policiers", souligne l'historien. En 2012, le président François Hollande avait, de son côté, fait quelques avancées en reconnaissant la répression sanglante des manifestations du 17 Octobre 1961 et en rendant hommage à la mémoire des victimes. Mais il s'est abstenu, lui-aussi, de faire porter la responsabilité des massacres à l'Etat français. Ce déni de la vérité n'empêche pas le souvenir atroce de cette page sombre de l'histoire française de ressurgir chaque année à l'occasion de la commémoration des massacres. Sous l'impulsion d'élus de gauche, d'historiens et de militants de la cause anticoloniale, plusieurs villes françaises se sont jointes aux célébrations au fil des années. Au-delà de la reconnaissance du crime d'Etat, il est demandé à l'Etat français de lever complètement le voile sur ce qui s'est passé il y a 56 ans, lorsque des milliers de manifestants algériens pacifiques ont été ciblés par la police du préfet Maurice Papon. Beaucoup ont été noyés dans la Seine. À ce jour, personne ne sait exactement combien ont péri. De paris : Samia Lokmane-Khelil