Le retrait, sur initiative de la commission des finances de l'Assemblée populaire nationale, de la proposition du gouvernement d'instaurer un impôt sur la fortune (ISF), initialement contenue dans le projet de loi de finances 2018, est pour le moins surprenant. Surprenant, parce qu'en situation de crise financière et de déficit budgétaire, il est normal, voire salutaire que le gouvernement cherche de nouvelles ressources et donc de niches fiscales à même d'atténuer ce déficit, de le freiner, dans la perspective de l'éliminer à terme. Et il est vital, en pareilles circonstances, de trouver cet argent sans imposer des sacrifices ou des privations supplémentaires aux ménages dont les revenus seront, par ailleurs, déjà lourdement impactés par d'autres taxes prévues dans le projet de loi de finances qui, elles, n'ont pas été retirées par la commission ni amendées par la plénière. Il est vrai que, sauf à se faire des illusions, la mise en œuvre de cette mesure instaurant un ISF est, chez nous, plus que problématique. Le poids de l'informel, d'un côté, et l'inefficience de notre administration fiscale qui tarde à connaître les réformes nécessaires, de l'autre, rendent aléatoire, en effet, son application. Mais, au moins, l'institution d'un tel impôt — même formelle — constituait un message : face à la crise, des sacrifices doivent être consentis par tous et, au nom du principe même de l'égalité de l'impôt, il revient d'évaluer ces sacrifices en fonction des revenus et des capacités des uns et des autres. C'est sans doute dans cet esprit que le gouvernement avait introduit cette disposition dans son projet de budget 2018. Peut-être aussi par populisme ou démagogie, mais peu importe, car ce que l'on retiendra, c'est évidemment cette initiative de la commission des finances qui a consisté en le retrait de cette disposition. S'il y a une symbolique dans la démarche du gouvernement, il y en a sans doute une autre dans celle de ladite commission. À moins qu'un partage des rôles ait été convenu entre les deux parties, ce qui n'est pas à exclure connaissant la connivence entre l'Exécutif et une majorité parlementaire à laquelle on n'a jamais connu la moindre velléité de contestation face aux projets de loi initiés par le gouvernement. Peut-on donc croire à quelque "sursaut d'orgueil" au sein de cette commission ? Celle-ci s'éveillerait-elle au principe de pragmatisme et de réalisme, au nom duquel elle aurait rejeté ladite disposition qui, il est vrai, n'avait pas beaucoup de chance de connaître une exécution correcte sur le terrain et qui, donc, n'aurait qu'un très faible impact sur les recettes du Trésor ? Peut-être était-ce l'argument qui a prévalu lors des débats en commission ? Il n'en reste pas moins qu'au plan du symbole et de la communication, le retrait de l'ISF du projet de loi de finances sera, à coup sûr, mal perçu par l'opinion. À moins que "l'oligarchie" ait décidé de dicter sa loi, désormais avec ostentation, sans plus s'en cacher. Saïd Chekri