Les présents ont appelé à transformer le comité de soutien à Hadda Hazem en une démarche pour réfléchir sur l'avenir de toute la presse et, pourquoi pas, aller à des assises des médias. Après huit jours de grève de la faim, la journaliste et directrice de la publication du journal arabophone El Fadjr, Hadda Hazem a mis fin hier à son action de protestation à la suite des appels insistants des consœurs et confrères, et d'activistes de la société civile, auteurs d'un formidable élan de solidarité qui s'est formé autour d'elle lors d'un rassemblement tenu hier à la maison de la presse Tahar-Djaout, à Alger. Il est vrai que cela fait longtemps que la corporation ne s'est pas mobilisée de la sorte pour défendre ses acquis. "Votre message est arrivé, on vous demande solennellement d'arrêter votre grève de la faim. Cela ne sert à rien de se suicider", a lancé un membre du comité de soutien, en direction de Hadda Hazem, très affaiblie et aphone, qui a fini par rejoindre l'hôpital après avoir mis fin à son action. Lors du rassemblement destiné à rendre compte de la mission chargée d'interpeller le ministre de la Communication sur l'état de santé de la directrice du journal, et de la fragilité de la presse indépendante en général, plusieurs confrères ont pris la parole pour proposer des actions concrètes dans le prolongement du combat entamé par la grève de la faim. Ils ont tous souligné la nécessité d'aller vers une nouvelle étape dans la vie de la presse en Algérie, qui doit commencer par un état des lieux du secteur. Ainsi, succédant à H'mida Layachi qui a situé l'enjeu et la symbolique de la grève, un autre membre du comité, en l'occurrence Mountasser Oubetroune, devait insister sur l'impératif de mettre fin au mode de gestion actuel et surtout du chantage à la publicité exercé par le pouvoir. Il est relayé par l'ancienne journaliste Malika Abdelaziz qui a suggéré une grève tournante des journalistes, mais aussi, par le journaliste et fondateur de Maghreb Emergent, Ihsène El-Kadi, qui a mis l'accent sur l'impératif de continuer l'action de Hadda Hazem différemment, "sur la base du message qui a été posé", a-t-il indiqué, en précisant : "Le modèle de gestion de la presse de ces dernières années, et tel qu'il a été voulu par le pouvoir est arrivé à sa fin". Et d'expliquer : "Le pouvoir a utilisé la publicité pour essayer de noyer la presse indépendante en créant toute une série de journaux qui ne sont pas des journaux. Il a affaibli le véritable secteur de la presse sans animer ce secteur préfabriqué de la presse". "Ce système est faux, il ne peut pas continuer", a-t-il martelé avant de poursuivre "l'action de Hadda Hazem a accéléré la fin de ce système". En faisant état de la création d'un syndicat des médias électroniques, le 3 décembre prochain, il a appelé à converger avec d'autres médias pour transformer le comité de soutien à Hadda Hazem en une action pour réfléchir sur l'avenir de toute la presse et, pourquoi pas, aller à des assises de la presse. Pour sa part, le directeur d'El Watan, Omar Belhouchet à, en rappelant que "le monopole de l'Etat sur la publicité institutionnelle a été institué par Belaïd Abdeslam, en septembre 1993", "pour mater la presse dite ‘laïco-assimilationniste'", exprimé ses craintes qu'"aujourd'hui, nous sommes dans le même projet de vouloir effacer de notre pays toute presse qui résiste aux pressions et à l'autoritarisme, et qu'il y a une volonté forte de faire taire toute la contestation dans la société et permettre aux extrêmes, soit l'islamisme politique soit d'autres, à faire valoir leurs points de vue". Selon lui, le monopole sur la publicité est le seul monopole qui existe dans notre pays, puisque tous les monopoles ont été abolis par Mouloud Hamrouche à travers ses réformes économiques. "Nous demandons aujourd'hui qu'il y ait une régulation d'Etat. Nous ne sommes pas en train de monnayer la publicité publique, nous demandons simplement que ce secteur de la presse publique, qu'est l'argent de la collectivité nationale, soit régit par une régulation transparente", a-t-il dit, encore. Et de proposer que "le Parlement discute de l'utilisation de la presse publique et institutionnelle", et de se demander "pourquoi les autorités ne veulent pas d'un état des lieux de la presse nationale". A. R. [email protected]