Dans une lettre adressée dimanche aux travailleurs, Bakhouche Allèche reconnaît que "la compagnie est confrontée à une situation des plus délicates" et appelle à la mobilisation générale. Il est clair que les déboires d'Air Algérie ne datent pas d'hier malgré toutes les tentatives de les dissimuler. Aujourd'hui, la situation a atteint un tel pourrissement qu'il serait même "puéril" pour n'importe quel responsable, de nier l'évidence. Bakhouche Allèche, P-DG d'Air Algérie, semble avoir saisi cette nuance et préfère adopter le langage de vérité avant d'appeler à la mobilisation. "Notre compagnie est aujourd'hui confrontée à une situation des plus délicates, marquée par des résultats opérationnels négatifs", a-t-il révélé, dimanche dernier, dans une lettre adressée aux travailleurs. Il y expliquera que "ces résultats négatifs sont générés par des coûts en constante augmentation, une concurrence directe et indirecte qui pèse sur les revenus et un sureffectif dans les fonctions non productives, des sujétions de service public onéreuse et un lourd endettement". Un constat des plus surprenants venant du P-DG de la compagnie qui, dans un passé récent (1re semaine d'octobre dernier), avait assuré que "la situation financière de la compagnie reste équilibrée dans l'ensemble". Il n'en est, finalement, rien, selon le contenu de la missive qui souligne que "toutes les raisons citées plus haut ont contribué à l'affaiblissement de notre compétitivité et de la profitabilité globale de la compagnie ce qui a pour conséquence directe une dégradation de la trésorerie et de notre capacité d'investir". M. Allèche n'est pas, en effet, à son premier avertissement en ce sens. Il a déjà évoqué la perte des parts de marché, notamment sur des destinations européennes (France en particulier). Mais dans le contexte actuel caractérisé par la crise, la compagnie ne pourra plus compter sur une quelconque aide de l'Etat ce qui met à nu plusieurs manquements dont une gestion managériale loin des standards modernes. Il en a découlé, inexorablement, l'incapacité de rebondir en termes d'investissements. "Sans investissement dans des outils de production, la compagnie ne pourra pas soutenir longtemps la concurrence des mégacompagnies qui opèrent sur le marché national", a indiqué M. Allèche qui appelle "à une maîtrise des coûts au quotidien" pour freiner la baisse des résultats. Contacté, hier, par nos soins, Bakhouche Allèche nous a expliqué que la lettre en question "constitue beaucoup plus un message mobilisateur des troupes", car, dit-il, "rien ne peut être accompli sans l'adhésion totale des travailleurs". "Je ne veux pas être alarmiste, mais je ne peux pas non plus mentir aux travailleurs sur l'état réel de l'entreprise", a asséné le patron de la compagnie. Les syndicats réservés Plutôt surpris par pareille franchise, les syndicats de la compagnie ont perçu la lettre du P-DG d'Air Algérie comme une "gifle qui réveille". Non pas qu'ils ignoraient la véritable situation de la compagnie mais ils sont plutôt "étonnés" que le premier responsable de la compagnie puisse le dire ouvertement sans crainte que tout le monde soit mis dans la confidence. "Nous avons pris acte", a rétorqué, le président du Syndicat des pilotes (SPLA) expliquant qu'"ils prendront le temps de se réunir pour voir ce qu'il y a lieu de faire pour améliorer la situation". Idem pour le Syndicat UGTA de l'entreprise qui a opté également pour la retenue. "Nous envisageons de convoquer une assemblée pour clarifier la situation et convenir des voies et moyens pour défendre la compagnie et préserver les intérêts des employés." Et sans donner de date de rencontre, ce même syndicat se demande si "cette levée de boucliers ne cache pas des desseins occultes". Le syndicat de la maintenance, quant à lui, monte au créneau et publie un long communiqué. Il en ressort en substance des inquiétudes et des interrogations, tout en évoquant "une mauvaise gestion qui a amené à pareille situation". Mais au-delà de ces réactions plutôt timides et mitigées, d'autres voix syndicales qui ont requis l'anonymat attestent : "Ce n'est un secret pour personne que la compagnie fait face à un malaise profond qu'il est difficile, pour n'importe quel P-DG quelle que soit sa compétence, de résoudre tant les interférences sont multiples." Et d'ajouter : "Trouvez-vous normal que 47% de la masse salariale va seulement pour 500 employés sur les 9 500 et qu' il existe 102 représentants Air Algérie pour la seule ville de Paris (98 employés pour Air France dans toute l'Afrique) sans compter les autres villes." Et le mot est, ainsi, lâché : "Il est peut-être temps de parler d'ouverture de capital de la compagnie comme l'ont fait les plus grandes compagnies de ce monde sans aucun complexe." Nabila Saïdoun