L'ex-candidate à l'élection présidentielle est convaincue qu'un bon nombre d'assemblées locales est désormais entre les mains de personnes qui travailleront au service de la prédation locale. "Naegelen doit être jaloux des pratiques dans notre pays." Même si elle considère que les résultats étaient prévisibles, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), l'air un peu fatigué, n'a pas hésité, hier, à assimiler le scrutin de jeudi dernier aux pratiques de l'ancien gouverneur d'Algérie qui avait couvert et justifié une fraude massive en 1948, favorisant les candidats de l'administration coloniale. "C'est un pseudo-scrutin !", qualifie, d'emblée, Louisa Hanoune lors d'une conférence de presse animée au siège du parti à Alger. Malgré une "bonne campagne" et une "grande mobilisation autour du parti", le PT hérite désormais de la présidence de 17 communes, loin derrière des partis dont certains de création récente, mais avec 510 élus, "des élus qui ont échappé à la fraude". "Ce sont des voix de militants engagés, de la base, des travailleurs, des étudiants, des jeunes et des femmes qui ont répondu à notre appel à la lutte contre la politique de destruction", se félicite, cependant, Louisa Hanoune. "On savait que le scénario des législatives allait se reproduire car la loi électorale n'a pas été changée et à cause de l'intrusion de l'argent sale dans la politique", analyse-t-elle non sans s'étonner de "la victoire d'un parti créé en 2012", allusion probablement au MPA. "Il n'existe plus de limites pour le mépris que montrent certains responsables à l'égard de la majorité du peuple", estime-t-elle encore, soulignant "qu'après la violence des législatives, le totalitarisme avance à grands pas". Même du temps du parti unique, selon elle, "on n'a pas enregistré une telle décomposition". Pour Louisa Hanoune, un bon nombre d'assemblées "seront dirigées par des personnes, sans lien avec la politique, pour certains avec des antécédents judiciaires, au service de la prédation locale". Evoquant de nombreux cas d'entorse au bon déroulement du scrutin, comme à Annaba "livrée à la prédation", à Mascara où même des citoyens ont été arrêtés pour avoir protesté contre la fraude, ou encore d'autres cas dans de nombreux autres bureaux de vote à travers le pays, Louisa Hanoune, qui s'étonne aussi que "2,5 millions de fantômes" votent après 18 heures, estime, comme pour répondre au ministre de l'Intérieur, qu'il ne s'agit pas de "dépassements". "Ce système n'est pas réformable, incapable de se renouveler", soutient-elle. "Mais avec ces méthodes, il accélère sa fin". Convaincue que les "citoyens ne donnent pas de crédit à ce scrutin et que le fossé avec le pouvoir s'élargit encore plus", Louisa Hanoune estime que les "élections du 23 novembre ont confirmé que le militantisme au sein des assemblées est révolue et qu'on est entré, désormais, dans une nouvelle étape de militantisme direct à travers le soutien aux grèves, les protestations des travailleurs, etc." "Le changement passe par la mobilisation car le renouveau politique ne passe pas par les urnes à cause de ce système", dit-elle. Outre la fraude dont son parti est victime, l'ex-candidate à la présidentielle soupçonne également une "vengeance". "On s'est vengé du PT, car on était contre la LF2016 ; on a dit des vérités sur la politique économique du gouvernement qui travaille au service d'une minorité et on a désigné les responsables qui ont voté les lois de la régression", soutient-elle. Y a-t-il un lien avec la lettre du "groupe des 19" ? "Je ne pense que cela ait un lien car ce ne sont pas les mêmes acteurs dans l'ancien gouvernement et l'actuel, c'est plutôt à cause des critiques de la politique économique. On a éclairé l'opinion", estime Louisa Hanoune. Elle ignore aussi que cette "vengeance" vise à l'écarter de la course à la présidentielle et de baliser le terrain à Ahmed Ouyahia auquel les observateurs prêtent des intentions présidentielles. "On a toujours recueilli, en tout cas, les signatures", s'enorgueillit-elle, laissant entendre, par ricochet, qu'elle n'exclut pas une éventuelle candidature. Refusant de faire porter le chapeau de la situation actuelle et de la fraude au président Bouteflika, Louisa Hanoune estime que "la responsabilité totale incombe aux partis du pouvoir et le régime qui veut que le système se perpétue, des partis qui ont torpillé les réformes profondes promises par Bouteflika", dit-elle. Loin de considérer que le PT a régressé puisque le parti a atteint ses objectifs, Louisa Hanoune annonce que son parti introduira des recours. Karim Kebir