Cette pratique pose un problème d'éthique, en ce sens que les électeurs se sentent bernés par ce jeu de coulisses qui les prive de leur choix et qui, in fine, se retrouvent, malgré eux, avec un édile d'une autre obédience. Cela se passe dans la commune de Koléa (Tipasa) : un président d'APC, fraîchement élu sur la liste du FFS, est passé avec armes et bagages, donc avec ses colistiers, sous la bannière du FLN. Il aurait expliqué son geste par sa nostalgie pour la couleur politique qu'il affectionne depuis qu'il était à la JFLN, la vieille organisation de la jeunesse dépendant du parti unique. Le cas est loin d'être isolé. Il y a quelques jours, c'était au président de l'APC d'Alger-Centre, élu sur une liste indépendante dénommée "la Perle d'Alger", de transvaser dans le parti du FLN sa liste de 16 élus. L'édile d'Alger-Centre, une commune stratégique de la capitale, où sont implantés les sièges de plusieurs institutions de l'Etat, ne s'est pas trop épanché sur les motivations réelles qui l'ont fait atterrir au parti d'Ould Abbes, après son parcours qui l'a vu passer du FFS au RND, au MPA, à "l'indépendantisme", puis au FLN. Des cas similaires sont enregistrés un peu partout dans le pays, notamment à Batna, à Ghardaïa et à Béjaïa. Dans cette dernière wilaya, en septembre dernier, le président de l'APW et ex-maire de la commune de Souk El-Tenine (Béjaïa), a quitté le FFS pour le FLN. En tout cas, les exemples sont trop nombreux pour être passés sous silence. Et même entre les partis au pouvoir, la guerre est sans merci, comme en témoignent les nombreux cas de "transhumance politique" enregistrés, et dont on retient l'exemple de la commune des Ouadhias (Tizi Ouzou) où le P-APC a quitté le FLN pour rejoindre le RND. Le modus operandi est presque le même partout. Quand un candidat à la magistrature locale voit son dossier de candidature rejeté par son parti dans la phase de la confection des listes, il use du stratagème qui consiste à se faire parrainer par une autre formation politique en mal de candidat, puis à l'abandonner une fois élu, en se faisant "adopter" par un autre parti qui, souvent, gagne ainsi, indûment, une APC. Cette migration concerne surtout les candidats au sein des listes indépendantes ou de certains petits partis qui, dans leur quête d'avoir pignon sur rue, se dissolvent au sein d'autres formations pour avoir la majorité, comme il a été observé dans certaines wilayas. Mais, au-delà de l'ambition légitime de tout candidat à la promotion politique, cette pratique pose un problème d'éthique, en ce sens que les électeurs se sentent bernés par ce jeu de coulisses qui les prive de leur choix et qui, in fine, se retrouvent, malgré eux, avec un édile d'une autre obédience. Aussi, ce subterfuge par lequel les partis au pouvoir renforcent leur mainmise sur les assemblées élues, nuit considérablement à d'autres, moins lotis, qui se retrouvent amoindris et menacés même dans leur existence. L'exemple le plus significatif est celui du FNA de Moussa Touati, un parti qui avait créé la surprise en décrochant un score électoral défiant tout entendement, qui lui avait permis de jouer dans la cour des grands. Mais pour un temps seulement... puisque son groupe parlementaire avait fini par se rétrécir comme une peau de chagrin, à coup de défections de ses membres au profit d'autres formations, notamment les partis du pouvoir, FLN et RND, jusqu'à ne plus avoir droit de cité au sein de l'APN. Il faut le dire : certaines formations politiques, dans leur quête folle de remplissage des listes, ont, elles aussi, une part de responsabilité, pour avoir accordé leur parrainage à des candidats auxquels elles ne connaissaient, en réalité, ni convictions ni engagement. Cela étant, les cas ici mentionnés relèvent bien du "nomadisme politique", que la Constitution révisée a pourtant interdit au niveau des deux Chambres du Parlement, APN et Conseil de la nation. L'élu au niveau de ces institutions risque de se voir déchu de son mandat s'il venait à changer de casquette politique, contrairement à ceux des assemblées locales, où le passage d'un élu d'un parti à un autre reste possible, pour cause de vide juridique. A. R. [email protected]