"L'Algérie et la France. Deux siècles d'histoire croisée" (éditions L'Harmattan), dernier né de Gilbert Meynier (décédé mercredi 16 décembre), vient d'être réédité par la maison d'édition constantinoise Média-Plus. La maison d'édition Média-Plus prévoit de publier avant la fin de l'année L'Algérie et la France. Deux siècles d'histoire croisée (paru en septembre chez L'Harmattan) de Gilbert Meynier. "Vous pouvez changer la couverture du livre, mais j'aimerais que la photo qui illustrera la 1re de couverture corresponde au titre du livre. Par exemple, une photo de la medersa de la rue Larbi Ben M'hidi (ex-rue Nationale) à Constantine, où j'ai enseigné de 1968 à 1970, et qui a été construite par les Français, mais dans un style algérien", peut-on lire dans un extrait d'un mail échangé par Gilbert Meynier et son éditeur Saïd Hannachi, qui a bien voulu nous remettre une copie. Aperçu qui dénote l'attachement de Gilbert Meynier à l'Algérie, lequel voit son vœu exaucé par Média-Plus. D'ailleurs, cette dernière ne put que de s'incliner devant la diligence d'un grand homme. Quand il convainc son éditeur français de passer la main pour permettre une version algérienne de son œuvre, il s'"exalta" presque, à l'annonce de la nouvelle. "Cette fois, c'est gagné : vous pouvez sans problème faire et publier mon petit livre L'Algérie et la France. Deux siècles d'histoire croisée. Essai de synthèse historique par vos éditions Média-Plus... Quant à moi, pas de problème : je cède mes droits (...)", a-t-il annoncé à Saïd Hannachi. L'œuvre ultime Son dernier ouvrage L'Algérie et la France, deux siècles d'histoire croisée, à paraître dans les jours qui viennent chez Média-Plus, se décline par la présentation de l'auteur lui-même comme suit : "Sur fond de violences, d'injustices et de fantasmes racialistes, l'Algérie fut une pièce du roman national français – les occasions manquées y furent un mythe. De 1830 à 1962, régna la loi des armes, jusqu'à la guerre d'indépendance, qui fut in fine conclue par le politique – les accords d'Evian", est-il mentionné. Et de poursuivre : "Mais l'Algérie des XIXe et XXe siècles a pour fond des récurrences culturelles à ancrages méditerranéens, et, sur le temps long, la marginalisation de la Méditerranée au XVIe siècle. Il y eut — pour le pire, voire pour le meilleur — un entrelacement algéro-français, le nationalisme algérien eut pour creuset originel les Algériens émigrés en France, et, face au système colonial, le refuge dans l'islamo-arabité. Entre la France et le Shãm (Proche-Orient), il y eut un torticolis identitaire. Et le militaire forgea l'actuel système de pouvoir algérien." Scindé en quatre chapitres, l'on y décèle, d'emblée, des thématiques aussi captivantes les unes que les autres, à savoir la tradition historiographique française coloniale, le système colonial entre politique et primat des armes, antécédents ; l'évolution historique sur la longue durée et enfin ; réplique à l'ordre colonial : essai d'approche dialectique. Le témoignage poignant de l'historienne Fatima-Zohra Guechi "C'est un couple lumineux qui nous quitte. Double perte, car militants des grandes causes, Gilbert et Pierrette Meynier sont partis, ensemble, en laissant plus que des souvenirs, des ouvrages et des travaux à lire et relire et un engagement à valoriser", a écrit l'amie du couple Meynier, Fatima-Zohra Guechi, directrice du laboratoire Hipaso et rédactrice en chef de la revue des Sciences humaines et sociales de l'université de Constantine 2 Abdelhamid-Mehri dans son témoignage poignant à l'annonce du décès de Gilbert Meynier. "Gilbert lisait beaucoup et écrivait beaucoup, il avait une capacité de synthèse phénoménale. Sur la table, au-dessus de son lit d'hôpital (l'Infirmerie protestante), la semaine dernière, quand je lui ai rendu visite, avec ma nièce et son mari, il avait trois romans, un essai, une revue et le Canard enchaîné sur la table. La télévision éteinte, il essayait de lire, en étant allongé, il ne pouvait se mettre en position assise", poursuit l'universitaire constantinoise. Synthétisant l'œuvre du défunt, elle ajoute : "Après avoir révélé l'Algérie nouvelle du début du XXe siècle aux tenants de la colonisation dans son œuvre de thèse magistrale soutenue à Nice en 1979, L'Algérie révélée, la guerre de 1914-1918 et le premier quart du XXe siècle, publiée plusieurs fois, Gilbert Meynier coécrit avec Ahmed Koulakssis un livre référence sur identité algérienne et colonialisme français en essayant de répondre à la question affirmative, l'Emir Khaled, Premier Za'im ? (1987). "Interpellé par l'histoire récente de l'Algérie, Gilbert Meynier s'attaque à l'histoire intérieure du FLN 1954-1962 et réussit en historien, selon M. Harbi, à en déceler la matrice dans le fonctionnement interne et dans ses rapports avec la société." Cette découverte progressive de l'histoire de l'Algérie coloniale le mène à une prospection dans les origines, pour comprendre la richesse et la complexité de cette histoire millénaire de l'Algérie où la permanence de "certains traits ancestraux" laisse le chercheur se saisir des multiples ruptures historiques. Mais le goût de la recherche et la soif d'en savoir plus encouragent Gilbert Meynier à écrire L'Algérie, cœur du Maghreb classique. Kamel Ghimouze