Dans une démarche, aussi curieuse qu'inédite, le Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes), aile d'Abdelhafidh Milat, a appelé conjointement avec trois organisations dont l'UNJA, proche du FLN, et l'Union générale des étudiants libres (Ugel), proche du MSP, à une grève générale dans les universités le 14 janvier prochain. Dans un communiqué qui a sanctionné les travaux de sa session extraordinaire tenue avant-hier à Alger, le Cnes a appelé également les étudiants, les employés et les enseignants au boycott de la première session des examens, prévue après les vacances scolaires, "jusqu'à satisfaction des revendications soulevées" et "l'ouverture d'un dialogue pour une négociation autour de ces revendications" essentiellement d'ordre sociopédagogique. Par ailleurs, il a tenu à dénoncer ce qu'il considère "comme entraves à l'exercice syndical" et condamner "les pratiques arbitraires" qui ont visé à "empêcher les participants à achever leurs travaux", à travers une décision de la wilaya d'Alger. Enfin, un appel est lancé au président de la République pour qu'il "intervienne en urgence" afin de "sauver l'université de la dégradation". C'est parce qu'il intervient dans une conjoncture assez critique pour l'université algérienne marquée par une série de scandales à répétition, devant le silence sidéral du ministère de tutelle, que cet appel émanant d'un syndicat, appuyé curieusement-fait rarissime- par des organisations estudiantines, ne manquera pas de susciter des interrogations. Encore plus que ce syndicat qui se dispute la légitimité avec l'autre aile du Cnes d'Abdelmalek Azzi, a brillé par son mutisme après les "déboires" du sociologue Nacer Djabi interdit de tenir une conférence à laquelle pourtant il était convié, mais également après les violences qui ont touché certains enseignants en février dernier ou encore, plus récemment, les licenciements qui ont ciblé certains enseignants et les scandales de fraude et de censure révélés dans les médias. Au regard de la célérité avec laquelle les "travaux du conseil" ont été convoqués, faut-il y avoir quelques manœuvres ? L'action décidée par cette aile du Cnes que l'autre aile accuse de proximité "avec le pouvoir" est-elle suscitée sciemment pour absorber la colère dans les campus, histoire d'éteindre le "feu qui couve" surtout qu'à compter de la nouvelle année, le pays sera réglé à l'heure de la présidentielle de 2019 ? L'aile d'Abdelhafidh Milat cherche-t-elle à court-circuiter son "concurrent" ? Ou alors cherche-t-on à "légitimer", aux yeux des autorités, cette aile au détriment de l'autre en perspective de la privatisation de l'université ? Surtout qu'en vertu d'une correspondance du ministère de l'Enseignement supérieur, datant du 20 février dernier, adressée aux recteurs et directeurs des instituts et écoles universitaires, il est invoqué un "problème organique" au sein de cette organisation syndicale. Un problème contesté par le Cnes. Mais quelles que soient les motivations sous-jacentes de l'action décidée pour le 14 janvier prochain, il apparaît clair que l'université, comme d'autres secteurs d'ailleurs, ne sera pas à l'abri des perturbations à une année de l'élection présidentielle. Et que le degré de mobilisation sera la seule donne qui va légitimer les uns ou les autres. Karim K.