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Benjamin Stora raconte son enfance juive à Constantine
Dans un livre autobiographique
Publié dans Liberté le 30 - 12 - 2017

"Le 20 août 1955, j'avais bien vu des soldats français qui tiraient sur des Algériens s'enfuyant le long des gorges du Rummel, de l'autre côté de notre maison."
C'est peut-être pour insinuer qu'on ne peut parler des Européens et des juifs d'Algérie sans revisiter la guerre de libération ou pour exorciser des démons vieux de près de 60 ans que Benjamin Stora entame son livre autobiographique, Une enfance juive à Constantine, par des faits relatifs aux attaques du 20 août 1955. "C'était le 20 août 1955. J'avais quatre ans et demi. Il faisait trop chaud ce jour-là dans notre petit appartement à Constantine situé en face des gorges du Rummel (quartier Echaraa, ndlr). Et puis, brusquement, des soldats sont entrés. Ils ont ouverts la fenêtre, installé une sorte de trépied, et posé une mitrailleuse dessus. Ils ont tiré. Le bruit était épouvantable. Les douilles sautaient, et une odeur âcre a envahi ma petite chambre. Sur qui, sur quoi tiraient-ils ? Les soldats formaient une masse grise et floue. Je me souviens surtout de ma terreur au moment de leur entrée dans la pièce. Cet événement me mis pour la première fois en face de la mort. Longtemps, j'ai cru que cette scène de guerre, qui revenait dans mes rêves, était tirée d'une séquence de film. Mais, au fil de mes études sur l'histoire de l'Algérie, j'ai compris. Le 20 août 1955, j'avais bien vu des soldats français qui tiraient sur des Algériens s'enfuyant le long des gorges du Rummel, de l'autre côté de notre maison. La guerre d'Algérie était cachée dans les plis de ma mémoire d'enfant."
Algérianité, le renoncement des juifs
De la position des juifs d'Algérie, en général, et de Constantine, en particulier, par rapport à cette guerre d'indépendance, Stora nous propose une piste de lecture. Selon l'enfant de Kaa Echarraa, "quand la guerre d'Algérie éclate en 1954, les juifs sont français depuis quatre générations... Et il était vrai, qu'à l'exception d'une minorité de militants communistes, les juifs d'Algérie préféraient ne pas prendre ouvertement position. Certes, ils restaient pour l'Algérie française, mais une Algérie réformée où tous, juifs, musulmans et chrétiens, seraient égaux en droit. Ce qui est, en fait, la position défendue par Albert Camus, comme je l'apprendrai plus tard". Ce que Benjamin Stora considère comme une réserve des juifs, du moins de ceux de Constantine, ne résistera pas longtemps au temps et aux événements à l'instar de ceux qui ébranlèrent le ville du Vieux Rocher le 12 mai 1956. "Ce jour-là, une grenade fut lancée à l'intérieur d'un café fréquenté par les juifs, faisant deux blessés graves. Des groupes de jeunes juifs se sont armés et ont organisé des représailles. Rue des Cigognes, toute la clientèle d'un coiffeur musulman — cinq personnes — a été abattue. Le bilan de cette tuerie n'a pas été établi avec certitude, mais j'apprendrai après que certaines sources avaient avancé les chiffres de trente à soixante morts musulmans pour l'ensemble de cette journée tragique. Les responsables de l'armée française envoyèrent de jeunes soldats juifs du quartier pour rétablir l'ordre."
La main tendue du FLN
Au FLN-ALN, au début de la guerre d'indépendance et même après l'implication de jeunes soldat juifs dans la répression, à entendre le rétablissement de l'ordre selon la terminologie de l'armée coloniale, le FLN-ALN n' pas cessé de tendre sa main à cette communauté appelée à choisir entre son "algérianité" authentique et son nouveau statut européen à des moments où toute hésitation équivaut à une compromission. "Les Algériens d'origine juive n'ont pas encore surmonté leur trouble de conscience, ni choisi de quel côté se diriger. Espérons qu'ils suivront en grand nombre le chemin de ceux qui ont répondu à l'appel de la patrie généreuse, donné leur amitié à la révolution, en revendiquant déjà avec fierté leur nationalité algérienne." C'est cet appel que lança la direction du FLN, lors du congrès de la Soummam tenu en août 1956, à la minorité juive d'Algérie. Pour Stora "les juifs de Constantine n'ont jamais pris connaissance de cet appel, pas plus que les autres membres de la communauté juive d'Algérie. Les médias de l'époque, dirigés en Algérie par des Européens favorables, de manière inconditionnelle, au maintien du statut quo à l'œuvre dans l'Algérie française, ne publiait jamais de communiqués du FLN... Ce texte je ne le découvrirai que trente ans plus tard, lors de mes recherches universitaires". En fait, à l'instar de l'ensemble de la communauté juive d'Algérie, celle de Constantine était tiraillée par la double question posée par André Chemouillé dans son livre Les juifs d'Algérie : "Indigènes, allions-nous rejoindre la grande tribu des Berbères ? Français, allions-nous trahir la France ?"
Les juifs et la chute de Constantine
Les affinités, si l'on ose dire, entre la France coloniale et une partie des juifs d'Algérie ne datent pas du décret Crémieux, elles ont juste mûri dans le feu de la guerre d'indépendance. Elles remontent à la conquête par la France de l'Ifriquiya. "Je n'ai pas de souvenirs de récits familiaux sur l'attitude des juifs de Constantine à l'égard des conquérants. Ont-ils accueilli les français en libérateurs comme ceux d'Alger ? Ou au contraire, ont il combattu aux côtés des habitants de la ville ? Certains historiens penchent pour la seconde hypothèse, mais beaucoup évitent de se prononcer clairement."
Pour Stora, les juifs de Constantine ne pouvaient que défendre leur cité, leurs terres, car et au même titre que les musulmans, ils sont en majorité berbères, descendants des Massyless. "Au cours de mes études, j'ai découvert que peu de familles viennent d'Espagne, et que la plupart des juifs d'Algérie ont leur origine en ... Afrique du Nord. Presque tous en fait sont des Berbères, les véritables indigènes de ces terres. Mais au temps de l'assimilation à la France, il était de bon ton de se rattacher à une filiation européenne, méditerranéenne."
Des juifs, de sa famille et de l'OAS, il disait :
"Je me souviens de mon père, en 1962, expliquant pourquoi il ne rejoindrait jamais l'OAS. Ses principaux dirigeants étaient pour lui, ‘ceux qui avaient soutenus Pétain et avaient fait souffrir les juifs'
Après 1945, deux tendances, bien que minoritaires, virent le jour chez les jeunes juifs d'Algérie, en général et de Constantine en particulier.
‘'Tandis que certains s'ancraient dans le communisme et l'internationalisme politique en défiance du nationalisme français, d'autres rejoignaient les mouvements sionistes. Les uns regardaient vers la "patrie du socialisme", l'URSS, tandis que les autres n'avaient d'yeux que pour l'Etat d'Israël."

Le quotidien des juifs de Constantine
Dans ce livre, Stora raconte, aussi et surtout, l'histoire de son enfance constantinoise qui est "celle de l'Algérie pendant la présence française où les communautés, sous le drapeau de la République, vivaient ensemble dans l'espace public, sans se mélanger (ou rarement) dans l'espace privé", selon ses dires.
L'étanchéité hermétique n'était pas qu'entre Européens et musulmans ! Benjamin Stora dévoile qu'à l'inverse des Européens, les musulmans ne vivaient pas, entre eux, dans unes société fermée.
"Pour les fêtes religieuses, le Mouloud ou l'Aïd El-Kebir je garde en mémoire les musiques, les prières. Le quartier juif était imbriqué dans le quartier arabe, aussi connaissons-nous bien leur rythme de vie, et eux le nôtre. On entendait les prières en passant devant les mosquées, et ces prières avaient pour moi la même sonorité, la même intonation que celles de la synagogue (avec les psalmodies des versets du Coran et celles de l'Ancien Testament qui se ressemblaient étrangement)."
"Pourtant, les juifs de Constantine se considéraient comme des Français, et s'étaient éloignés des "indigènes", même s'ils vivaient en grande partie comme eux." Il explique, "pour les fêtes religieuses, côté maternel, à Pâques, mes grands-parents étaient habillés en djellaba et caftan, on mangeait par terre, sur les poufs, ils récitaient la Haggadah comme le faisait leurs aïeux". Stora affirme, qu'il n'a jamais été surpris par des femmes habillées à "l'indigène".
Peut-être parce que, entre autres, sa propre grand-mère maternelle était vêtue ainsi et ne parlait que l'arabe, la seule langue avec laquelle il pouvait communiquer avec elle.
L'assimilation des juifs d'Algérie
Benjamin Stora est né dans une famille où la maman "roulait le couscous, préparait de la tomina et les knedletts, surveillait la rechta, servait la t'fina qu'elle laissait cuire toute une journée jusqu'au lendemain samedi pour le shabbat".
Enfant, lui, le fils d'un bachelier en langue arabe, il parlait à la maison l'arabe avec sa mère sans le lire. Il lisait à l'alliance (Talmud Torah, ndlr) l'hébreu sans le comprendre. Mais, avec le temps, au contact de l'école publique, l'hébreu et l'arabe seront chassés par le français, conséquence évidente de la politique d'assimilation que la France coloniale a réussi à faire aboutir chez les juifs plus que chez les musulmans.
Par : Mourad Kezzar


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