Les passagers d'Air Algérie, surpris par ce débrayage non annoncé, ont subi les pires désagréments. Le personnel navigant commercial (PNC) de la compagnie nationale Air Algérie a déclenché, hier matin, une grève sans préavis, clouant au sol tous les avions à l'aéroport Houari-Boumediene notamment. Les passagers, surpris par ce débrayage non annoncé, ont subi les pires désagréments. Récit d'une journée mouvementée : aéroport international d'Alger. Lundi 22 janvier, les dernières volutes de brouillard matinal se sont dissipées. À l'intérieur de l'aérogare, des centaines de voyageurs sont livrés à eux-mêmes. Certains sont arrivés sur les lieux à 3h du matin pour échapper aux longs bouchons et aux barrages érigés à l'entrée de la capitale. La mauvaise surprise sera annoncée par les guichetiers de la compagnie Air Algérie, vers 6h, à l'intérieur de la salle d'embarquement, aux passagers qui devaient prendre le premier vol (AH-2012) à destination de Barcelone (Espagne). À 6h30, les choses se corsent et, cette fois-ci, ce sont les passagers du vol AH 1002 en partance pour Paris (France) qui seront informés du retard sur leur départ. Refoulés vers le pavillon central d'Air Algérie, les passagers des vols en partance pour Lisbonne (Portugal), pour Bruxelles (Belgique), pour Londres (Grande-Bretagne), pour Genève (Suisse) et pour Le Caire (Egypte) sont, à leur tour, informés que leurs vols accuseront des retards. Vers 9h, le tableau des départs de la compagnie nationale affiche que 17 vols sont en retard. Laissés pour compte, les passagers sont pris de panique, d'autant qu'aucun responsable de la direction d'Air Algérie n'est venu à leur rencontre. Il est midi quand l'hôtesse chargée du desk d'information annonce, enfin, une grève du Syndicat du personnel navigant commercial (PNC). À 12h30, on informe que tous les vols programmés entre 7h et 13h sont en retard. "Ce n'est pas normal qu'on ne nous informe pas. Non seulement on achète le billet très cher, mais on a droit à un mépris total de la part de cette compagnie. J'ai quitté Boufarik (Blida) à 5h du matin pour prendre le vol de 11h pour Marseille. Et là, on nous annonce qu'ils vont affréter des avions des compagnies étrangères, mais sans donner de détail", témoigne un voyageur. Visiblement en colère, un sexagénaire originaire d'Aïn El-Hammam (Tizi Ouzou) tempête : "J'ai pris la route à 1h du matin pour éviter de tomber dans les embouteillages et les barrages. Je suis arrivé à 3h du matin pour prendre le vol de 7h15 pour Paris. Je ne comprends pas pourquoi on n'informe pas les passagers pour qu'ils prennent leurs dispositions. En tout cas, je ne prendrai plus jamais Air Algérie. Ils sont irresponsables !" Devant les guichets d'enregistrement, des files interminables sont formées par les passagers auxquels sont délivrées des "attestations de retard", un sésame qui leur permettrait de prendre un autre vol. La pagaille s'installe au fur et à mesure que la colère gagne les passagers qui, par ailleurs, n'ont même pas eu droit à une bouteille d'eau. Une grève illégale et sauvage, selon Air Algérie À 12h50, la chargée de la communication à Air Algérie, Mounia Bertouche, se pointe à l'aéroport. D'emblée, elle accuse le syndicat du PNC et qualifie la grève déclenchée, dès 4h du matin, d'"illégale et de sauvage". Selon Mme Bertouche, "le syndicat du PNC n'a, à aucun moment, déposé un préavis de grève. Nous avons été surpris ce matin d'apprendre qu'ils ont entamé un mouvement de protestation. C'est vrai qu'il n'y a eu aucun vol depuis ce matin, et ce, contrairement aux aéroports d'Oran et d'Annaba où certaines dessertes ont été assurées". Annonçant l'installation d'une cellule de crise et des tentatives de tractations entre les deux parties, cette responsable a affirmé que "la compagnie a programmé 4 vols et qu'elle pouvait recourir, à n'importe quel moment, aux affrètements pour faire face à cette situation intenable. Nous allons le faire avec n'importe quelle compagnie et nous tiendrons informés les passagers". À la question de savoir si les passagers, victimes de ce bras de fer, seraient indemnisés, Mme Bertouche a indiqué que "le seul souci, pour le moment, est la prise en charge des voyageurs". Au moment où elle répondait aux questions des journalistes, Mme Bertouche est prise à partie par les voyageurs. "C'est du mépris madame, même pas une bouteille d'eau. Les enfants et les malades chroniques sont abandonnés. Jusqu'à quand vos grèves sauvages et vos comportements indignes envers nous", crie une dame visiblement exténuée par les délais d'attente. Un conseiller de la compagnie finira par calmer les esprits et présentera les excuses d'Air Algérie. "Vous avez raison ! Nous aussi sommes victimes de cette situation anarchique. Nous sommes désolés, mais ça va se régler. Nous serons à vos côtés jusqu'au dénouement", dira ce cadre d'Air Algérie. Le PNC radicalise son action À 13h30, le SG du syndicat du PNC, Karim Ourad, sort d'une réunion et reçoit les représentants de la presse. Exhibant le préavis de grève déposé le 31 décembre 2017, il précise : "Ils disent que la grève est illégale et sauvage, voici le préavis de grève que nous avons déposé le 31 décembre 2017 et lisez bien l'accusé de réception de la DG d'Air Algérie. Cela fait 23 jours que nous essayons avec notre administration d'arriver à un résultat qui arrangerait les deux parties et un partenariat gagnant-gagnant", dira d'emblée M. Ourad. Selon notre interlocuteur, cette situation est due "à l'entêtement de la DG d'Air Algérie. Je vous annonce que c'est une grève illimitée. Et c'est le personnel navigant commercial qui exige du syndicat de ne pas mettre fin à cette grève jusqu'à satisfaction des revendications". Selon l'accord signé en janvier 2017, le syndicat du PNC et la DG d'Air Algérie avaient convenu une régularisation de la situation salariale des travailleurs. Suite à quoi, un calendrier, réparti sur 18 mois (jusqu'à juin 2018), avait été convenu pour satisfaire graduellement les revendications. Avec l'arrivée du nouveau DG d'Air Algérie, une partie de la revalorisation salariale a été réglée en septembre 2017. Et contre toute attente, explique M. Ourad, "l'actuel DG a, de manière unilatérale, décidé de geler cet accord ! pourtant, nous n'avons pas demandé une augmentation des salaires, mais une régularisation des salaires au standard international". M. Ourad révélera que "le ministère de tutelle avait donné des directives fermes, mais la DG ne voulait rien savoir". Quant à la cellule de crise, il dira qu'"elle a été instaurée pour affréter 5 vols chez des compagnies étrangères". FARID BELGACEM