Dès 2012, Nabni n'a cessé de recommander la réduction – voire l'élimination – des subventions aux produits et services et la mise en place de transferts monétaires plus ciblés. Le FMI et les autorités algériennes ont estimé que le montant total des subventions est de 2293 milliards de dinars, soit 22,8 milliards de dollars US en 2015, soit 13,6% du PIB. Les limites de la politique nationale de subventions Ce montant – hors subventions à la santé, l'éducation et allocations sociales – est calculé sur la base des prix internationaux de l'énergie (ce qui surestime leur montant, car il n'est nécessairement pertinent de pratiquer ces prix en interne, afin de préserver une certaine compétitivité industrielle). Les données montrent que les subventions alimentaires ne représentent que 10% du total et que celles à l'énergie représentent quant à elles 60% dont la quasi totalité est implicite. Concrètement, cela veut dire que les prix sont maintenus bas et ne permettant pas aux entreprises publiques de couvrir leurs coûts et à l'Etat de percevoir les revenus fiscaux adéquats. Depuis 2012, l'opinion publique et le gouvernement ont progressivement adhéré à l'idée de revoir le système national des subventions. En effet, il est devenu évident que les subventions des produits et services (alimentation et énergie) : (1) sont devenues insoutenables d'un point de vue budgétaire (2) ne sont pas équitables car ce sont les riches qui en bénéficient le plus et (3) introduisent des distorsions en matière de surconsommation d'énergie – denrée exportable – et en matière de production alimentaire nationale (rendue moins compétitive par des importations de lait et de blé qu'on subventionne). Cependant, dans les faits et en dépit de cette prise de conscience, les progrès ont été très modestes en matière de gestion de la transition entre un modèle de redistribution de la rente – via la subvention des produits et services – et un modèle aux prix libres qui élimine toutes les distorsions que l'on connaît (2). Par conséquent, aucune initiative en matière de transferts sociaux ne s'est matérialisée (voire n'a été entamée). La levée des subventions est une question complexe Se pencher sur cette question nous fait réaliser qu'il ne faut pas assimiler la question de la fin des subventions à un simple problème technique. La problématique est bien plus complexe. Elle implique de prendre en compte : i) les capacités de notre administration, ii) les limites intrinsèques des techniques de ciblage et iii) le modèle de justice sociale qu'on souhaite pour notre pays et la définition qu'on se donne de la pauvreté, de la précarité et de la vulnérabilité... L'Algérie doit mobiliser toutes ses compétences et ses institutions pour trouver sa propre voie, inventer des solutions originales à ses problèmes spécifiques et à son contexte particulier. Ces solutions doivent nécessairement être expliquées et débattues avec les citoyens, les experts, la société civile, les partis politiques et les médias. Nabni propose d'entamer en urgence une augmentation progressive mais rapide des prix des biens et services subventionnés dès 2018 Le temps joue contre nous. La réforme des subventions ne peut plus attendre. La levée des subventions à l'énergie aura très probablement un effet récessif sur l'économie du fait de l'augmentation des coûts des intrants des entreprises. C'est pour cela que l'augmentation des prix de l'énergie doit être progressive et annoncée afin de laisser le temps aux entreprises de s'adapter et gagner en compétitivité sur d'autres aspects. La durée et le niveau d'ajustement des prix dépendront de la vitesse à laquelle le système de compensation sera mis en place mais devra se faire suffisamment rapidement pour soulager les finances de l'Etat, résorber le déficit budgétaire et relancer les entreprises publiques productrices et distributrices d'énergie. L'augmentation des prix du pain et du lait pourra se faire plus rapidement afin de cesser de grever la rentabilité des boulangeries et de mettre fin à toutes sortes de fraudes et trafics ainsi que pour stimuler la production nationale de lait et de blé qui se trouve injustement concurrencée par du lait en poudre importé et subventionné. Bien que les subventions énergétiques, du pain et de l'eau soient le plus souvent mentionnées, il en existe d'autres qui devront être réduites ou éliminées. Par exemple, les subventions de taux d'intérêts sur les programmes de crédits mis en place par l'Etat. Ces subventions n'ont aucune justification économique. Les barrières à l'entrée sur le marché du crédit (par exemple pour les jeunes entrepreneurs) ne sont pas liées au coût du crédit, mais au profil de risque et au manque de concurrence et d'incitations des banques à servir certains segments d'emprunteurs. Ces subventions sont une pure perte et devraient aussi être réduites. Dans nos prochaines publications, nous présenterons dans le détail les deux options de compensation des citoyens, qui devront accompagner la levée des subventions. 1- Algeria Selected Issues- Subsidy Reform. FMI, avril 2016. 2 - Pour plus de détails cf. "Le Revenu universel, une solution au casse-tête des subventions an Algérie ?". Nabni, mars 2017. Note : Les subventions à l'éducation ci-dessus ne concernent que les repas des cités universitaires.