Le recours au Tribunal arbitral des sports d'Alger (TAS) par le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel (LFP), présidé par Mahfoud Kerbadj, destitué par une décision du bureau fédéral de la FAF, est tout à fait légal vis-à-vis de la loi. En effet, le décret exécutif 16-153 du 23 mai 2016 fixant les dispositions statutaires relatives aux dirigeants sportifs bénévoles élus évoque justement ce droit. "Toute mesure disciplinaire ou sanction prise à l'encontre du dirigeant sportif bénévole élu, peut faire l'objet de recours conformément à la législation et à la réglementation en vigueur", stipule l'article 19 du décret en question. D'ailleurs, le ministre de la Jeunesse et des Sports, El-Hadi Ould-Ali, avait affirmé que si la décision de la FAF est à ses yeux "légale", il n'en demeure pas moins que Kerbadj avait "le droit de saisir le TAS". Du coup, quelles sont les chances de succès de la démarche de Kerbadj sachant que ce dernier à également déposé plainte auprès du tribunal administratif d'Alger ? Pour répondre à cette question, il est utile de rappeler les articles des statuts de la LFP et ceux de la convention qui lie les deux parties. D'abord les statuts. "Il est créé une association dénommée Ligue de football professionnel par abréviation LFP régie par les lois et règlements en vigueur, ainsi que par les présents statuts (suite à la dissolution de Ligue nationale de football, LNF, en 2010, ndlr). Elle est une association à caractère national. Elle agit par délégation de la Fédération algérienne de football à laquelle elle est affiliée dans le cadre des prérogatives que lui confèrent les présents statuts. Elle est dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière. La LFP est créée pour une durée illimitée. La mission de gestion des compétitions, dévolue à la LFP par délégation de la FAF, est régie par une convention signée entre les deux parties. La convention détermine la nature des compétitions, les modalités de leur gestion dans le strict respect des règlements généraux ainsi que leur financement et leur contrôle", lit-on dans le document portant statuts de la LFP daté du 5 avril 2011. Ces statuts précisent également que "le retrait de la délégation par la FAF entraîne automatiquement la suspension de l'organe délibérant de la LFP. La FAF dispose d'un droit de contrôle sur les comptes de la LFP". Le recours au TAS ne gèle pas les activités du directoire ! En outre, le retrait de la délégation de gestion des compétitions est conforme à l'article 20 de la convention signée entre la FAF et la LFP et qui énumère les cas de retrait de la délégation, et qui précise "qu'en cas de retrait de délégation, la structure sera gérée directement par la FAF". Autrement dit, la FAF, via son directoire, peut gérer directement la LFP en attendant, comme elle l'a précisé dans son communiqué, l'organisation de nouvelles élections dans au maximum deux mois. Du reste, au lendemain de l'installation du directoire, le président de la FAF, Kheireddine Zetchi, a signé une décision qui a pris effet mardi dernier, qui donne délégation de signature à "M. Mohamed Saâd, secrétaire général de la FAF, à l'effet de signer conjointement avec le président de la FAF tous les actes de gestion administratifs et financiers courants de la LFP. Elle annule et remplace toute précédente délégation de signature", précise le texte de la décision, soit la signature de Mahfoud Kerbadj, ex-président de la LFP et de l'ex-SG Sid-Ali Yahiaoui. Réagissant à cette mesure, Kerbadj et Yahiaoui ont fait officiellement opposition à ce changement de signature. Ils ont dépêché à la banque un huissier de justice pour bloquer les comptes. L'argumentaire de l'équipe de Kerbadj repose sur le fait que la convention signée le 4 juin 2011 fait référence à la loi 90-31 du 4 décembre 1990 et à la loi 04-10 du 14 août 2004. Or, ces deux lois ont été abrogées par la loi 13-05 du 23 juillet 2013. Idem pour les statuts de la LFP qui auraient dû être mis en conformité avec cette loi. Il s'agit là donc d'un vide juridique que Kerbadj veut exploiter afin de faire annuler la décision de la FAF quitte à démissionner ensuite à l'occasion de la prochaine assemblée générale de la LFP. L'autre argument avancé par le groupe de Kerbadj, c'est le fait que le motif de retrait de délégation de gestion de la LFP, n'est pas "suffisamment grave", par rapport aux cas énoncés dans la convention. À noter que c'est ce même TAS qui avait débouté au mois de juillet dernier les fédérations sportives ayant contesté les conditions de déroulement de l'assemblée générale élective du COA qui avait débouché à la réélection de Mustapha Berraf pour un nouveau mandat à la tête du Comité olympique et sportif algérien. Par ailleurs, le recours au TAS, rend-il suspensif la décision de la FAF ? Non, répond le président du directoire de la LFP, chargé de gérer les affaires courantes, Amar Bahloul. Dans une déclaration à Liberté, Bahloul estime que les plaintes déposées par Mahfoud Kerbadj au niveau du tribunal arbitrage sportif (TAS) et du tribunal administratif d'Alger ne peuvent en aucun cas remettre en cause les mesures prises par la FAF. "Kerbadj a le droit de saisir le TAS. Cependant, cela ne peut en aucun cas remettre en cause le fonctionnement du directoire ni arrêter la machine administrative mise en branle depuis quelques jours. Le TAS ne prononcera aucune mesure préventive contre le directoire qui fonctionnera jusqu'à la tenue de l'AGE de la LFP. Le TAS nous a saisis ce matin (hier, ndlr) pour qu'on lui explique la situation. À ce titre, un dossier consistant sera transmis dans les tous prochains jours au TAS dans lequel on énumèrera tous les dépassements de la LFP", souligne Amar Bahloul. Et d'ajouter : "Le TAS va auditionner les deux parties dans 21 jours. Nous sommes très confiants car nous n'avons fait qu'appliquer les termes de la convention et les statuts de la LFP." Qui sont tout de même caducs au regard de la loi ! SAMIR LAMARI