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Fayçal ZEMMOUR: "En Algérie, on attend toujours l'arrivée des problèmes pour les résoudre"
#EspacesLibres
Publié dans Liberté le 16 - 03 - 2018

Ingénieur en génie civil de formation, aujourd'hui enseignant-chercheur à l'Ecole Nationale Polytechnique, coach, formateur, consultant en management de projet et co-fondateur de Dzigital School, Fayçal ZEMMOUR est sans aucun doute un expert dans le management de projets en Algérie.

Partenariat Réd-DIG-"Liberté" (#RDL)/CAP (EN Polytechnique): Comment décrivez-vous le management de projets en Algérie ?
Fayçal ZEMMOUR: Le management de projet en Algérie est un domaine paradoxal dans le sens où on néglige le côté technique et on se concentre sur le management; on les considère comme deux domaines indépendants, c'est à dire chacun travaille de son côté. En réalité, il faut marier les deux. C'est pour cela qu'au cours des dernières années nous trouvons beaucoup de gens qui insistent sur le management de projet, qui demeure malgré cela, un domaine mis à l'écart surtout dans les universités Algériennes, qui forment des très bons ingénieurs avec souvent, un faible niveau managérial. L'utile, c'est de former de bons ingénieurs dans le technique et l'agréable, c'est de convertir ce potentiel en bons managers.
Pourriez-vous nous expliquer la manière dont les projets sont gérés actuellement en Algérie ?
C'est une bonne question. La gestion de projet en Algérie suit l'ancienne méthode. On tombe souvent sur des risques et des imprévus, on attend toujours l'arrivée des problèmes pour les résoudre. D'ailleurs, on a toujours cette idée que la gestion est pour le domaine de construction surtout, ce qui est faux. La gestion de projet est présente dans plusieurs domaines y compris la médecine. Les enjeux changent mais la gestion existe. Citons comme exemple, les mandats des politiciens et la façon dont ils gèrent leurs projets.
Vous avez travaillé sur plusieurs projets. A votre avis quels sont les points noirs du management de projet et de la gestion de projet en Algérie, en expliquant la différence entre les deux termes ?
C'est vrai, j'ai travaillé comme chef de projet, manager... D'abord, il faut faire la différence entre le management de projet et la gestion de projet. Le management a quatre objectifs qui sont : fixer les objectifs, choisir les ressources matérielles et humaines, mettre en place ces ressources et enfin vient le contrôle. Dans la gestion en revanche, on nous fixe déjà les objectifs et les moyens pour les réaliser. D'ailleurs, il arrive souvent qu'une personne soit un bon gestionnaire et un mauvais manager, tout simplement parce qu'elle ne sait pas comment fixer les objectifs et définir les ressources mais peut cependant les gérer.
On entend toujours parler de plusieurs problèmes au sein des projets, citons l'exemple de la grande mosquée d'Alger, le stade de Baraki. Quelle en est la cause selon vous? Est-ce le manque de formation, l'ignorance de ce domaine, l'incompétence des managers ou bien y a-t-il d'autres facteurs ?
Parlons des problèmes. Pour dédramatiser la situation, on les appellera de préférence contraintes. Il y a des contraintes qui nécessitent beaucoup de temps et de travail pour être réglées et aussi celles qui sont moins graves. Concernant les deux exemples cités, le stade de Baraki répond à un besoin par contre la mosquée d'Alger, c'est beaucoup plus un monument. Pour le stade, on a mis beaucoup de temps pour voir le projet avancer. Comme mentionné au début, on a de très bons ingénieurs mais le problème réel se pose au niveau de la planification. Dès le début, on a mal estimé la durée du projet. Mais il y a aussi le côté technique ; on a mal estimé les problèmes techniques surtout pendant l'étude du site. Les solutions existent mais sont parfois trop chères ou bien longues à implémenter et malheureusement vers la fin, on prend trois fois la durée et quatre fois le budget simplement parce que l'étude se fait en un mois alors qu'elle nécessite une durée de 2 ans.

En essayant d'apporter une vision positive pour améliorer les choses, que faut-il faire pour corriger la situation actuelle, quelles sont les clés pour maîtriser ce domaine ?
Malheureusement, on ne peut parfois rien faire. Cela dit, la meilleure chose à faire est d'investir dans le management, de ramener des experts qui peuvent apporter des solutions et prévoir les éventuels problèmes, aussi il faut travailler avec un staff élargi.

Parlons maintenant de management en général, quelles sont les étapes les plus importantes dans le processus de planification d'un projet ?
Quand on parle de management et de planification, on parle souvent du fameux triangle coût-délai-qualité. Pour la planification, on ne parle pas de la qualité car elle est considérée comme acquise, il nous reste le coût et le délai. Ici, on va beaucoup plus parler de délai et chercher les ressources exactes et idéales pour notre projet ; si on maîtrise ça, le délai sera respecté et notre planification bonne.

Entre planifier et passer à l'action, quels sont les problèmes qui peuvent se produire et comment faut-il réagir en cas d'imprévus ?
Souvent, on rencontre ce problème en disant qu'il y a une grande différence entre les deux. Ici, il faut parler de la gestion des risques et notamment leur prévision. Ces risques-là ne sont pas uniquement liés à la sécurité; l y a aussi des risques liés aux délais. Donc si on gère très bien nos risques, on peut surmonter n'importe quel problème en réalité.

Vous êtes ingénieur mais aussi coach pour les startups. Pour les futurs ingénieurs algériens, n'est-il pas risqué de se lancer immédiatement dans la création d'un projet ou d'une start-up, chose qui demande des notions sur le management ?
Si on prend les choses avec cette vision c'est vraiment un risque, mais si on prend l'exemple des programmes d'accompagnement dont l'objectif est de former les futurs ingénieurs dans ce domaine, alors les perspectives changent. Il ne faut pas avoir peur mais plutôt saisir l'occasion et avoir l'esprit entrepreneur.
Réussir et réaliser son projet est une bonne chose mais en cas d'échec, comment faut-il réagir ? Qu'est ce qu'il y lieu de faire et de retenir ?
Comme disent les commerçants, avant de penser aux gains il faut penser aux pertes. La meilleure chose est de prévoir tout ça et pour amortir le risque ou bien l'impact de l'échec, il y a plusieurs méthodes telles que le partenariat (Win to win) où vous partagez les risques, mais aussi la sous-traitance comme solution possible. Après, il faut faire une bonne analyse parce que l'un des grands problèmes est de se tromper d'objectif et là c'est impardonnable. Il ne faut pas suivre les projets à la mode mais plutôt être réaliste et identifier les problèmes avant de se lancer.
Pour finir, avez-vous des points à ajouter, des conseils à donner aux étudiants et quels sont vos futurs projets ?
Il faut être ambitieux tout en gardant la tête sur les épaules. En cas d'échec, il faut savoir que ça fait partie de la vie et de notre voyage d'apprentissage. J'invite aussi mes élèves de l'Ecole Nationale Polytechnique en génie civil à s'intéresser au management et à la gestion de projet. Pour ma part, je suis toujours avec notre école Dzigital School; on essaye de donner le maximum et de pousser ce domaine vers l'avant.
Nassr Eddine OUKACI
Partenariat Réd-DIG-"Liberté" (#RDL)/CAP (EN Polytechnique)


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