Malgré le fait que certains segments de la justice comportent des magistrats franchement véreux, il est pourtant indéniable que dans l'ensemble elle ne déroge pas aux règles communes du droit et se montre impitoyable envers les auteurs des infractions. La corruption, les corrompus, la police et la justice. Ces quatre termes de l'équation ne chôment pas. La corruption et les corrompus, petits et grands, qui gagnent de proche en proche des pans entiers du corps social et politique du pays travaillent sans répit, de jour comme de nuit, à imposer leur règle du jeu à la société globale. En même temps, ils jouent au chat et à la souris avec la police et la justice qui tentent, elles, d'endiguer, à défaut, d'éradiquer totalement ce phénomène extrêmement nocif pour la santé économique, éthique et morale de la société algérienne. Malgré le fait que certains segments de la justice comportent des magistrats franchement véreux, il est pourtant indéniable que dans l'ensemble elle ne déroge pas aux règles communes du droit et se montre impitoyable envers les auteurs des infractions. En l'occurrence, et dans le cas précis des œuvres universitaires, la justice fait souvent son "boulot" malgré toutes les limites que lui imposent les circonstances et l'Exécutif... Quantité d'exemples montrent et démontrent sa volonté d'assainissement de ces Œuvres gangrenées par la corruption. Nous avons évoqué le "larcin" commis récemment à M'sila. Il nous faut y revenir encore et remonter dans le temps pour faire voir le travail qu'elle a accompli chemin faisant : ainsi le directeur de la résidence universitaire du 1er-Novembre-1954 de cette même ville, à savoir M'sila, a-t-il été écroué en 2008. "Surpris en flagrant délit de corruption par un fournisseur en pain pour la résidence universitaire. L'enquête ouverte par les services de sécurité a déterminé que la somme exigée par le directeur en contrepartie de l'approvisionnement dans une boulangerie était de 15 millions de centimes. Le fournisseur a alors alerté la police judiciaire qui a procédé à l'arrestation du corrompu, la main dans le sac. Il a été immédiatement placé sous mandat de dépôt." En janvier 2008, également, le directeur des œuvres universitaires de Tizi Ouzou, le nommé A. A., a été pris également en flagrant délit, dans un hôtel près d'Alger, "de corruption d'un fournisseur de viandes", et placé le même jour sous mandat de dépôt. Ayant fourni au directeur en question des liasses de billets de banque qu'il a préalablement photocopiées, le fournisseur avait déclaré aux enquêteurs qu'il avait usé de ce stratagème dans le seul but de mettre un terme "au chantage qu'il subissait de ce directeur, qui exigeait de lui des pots-de-vin, sans quoi, il changerait de fournisseur". Lors de son arrestation, la police découvre dans le coffre de la voiture de ce directeur les 300 000 DA qui lui ont été remis en forme de pots-de-vin par le fournisseur. Cet acte lui a valu d'être condamné, en février 2008, à dix ans d'emprisonnement par le tribunal correctionnel d'El- Harrach. Deux ans plutôt, le directeur des œuvres universitaires d'El-Oued s'est trouvé impliqué dans une série de scandales aux odeurs nauséabondes, mais qui ne lui ont valu cependant que d'être relevé de ses fonctions. Pour se remplir les poches, ce directeur procédait comme tous ses pairs tentés par l'enrichissement illicite, au gonflement des factures, "ce qui est aux yeux de tous un détournement de deniers publics. Comment cela s'est-il produit? Au début de l'année universitaire en cours (2006) le responsable en question a lancé un avis d'appel d ́offres en direction des fournisseurs en produits alimentaires. Néanmoins, il a opté pour le premier fournisseur ayant soumissionné, en lui remettant un bon de commande. Cependant, le hic dans cette histoire, c'est que entre le coût réel des produits et la facture élaborée, l'écart est aberrant". Un journaliste cite l'ex-ministre Haraoubia qui précise que "pour la viande de veau, l'écart est de 230 dinars le kilogramme ; 100 dinars pour la viande fraîche, tandis que pour le prix de la pomme de terre l ́écart est de 23DA/kg". La fermeté feinte de Haraoubia Comme pour montrer une certaine fermeté et se laver de tout soupçon de laxisme envers les corrompus, Rachid Haraoubia, alors MESRS, avait demandé au successeur du directeur limogé d'ester celui-ci en justice, en lui promettant que "le ministère vous fournira les documents nécessaires afin que vous meniez à terme cette affaire", car "il faut que ces gens soient dénoncés publiquement et qu'ils paient le prix de leur mauvaise foi". Ces beaux propos de l'ex-ministre du MESRS sont un pur alibi et ne doivent pourtant pas masquer aux yeux du lecteur le fait que c'est durant toute la longue période (septembre 2002-septembre 2013) où il était le patron incontesté de ce département que la corruption des œuvres universitaires avait pris des proportions inquiétantes. C'est aussi sous sa présidence de ce département que certains fournisseurs privés étaient devenus les clients favoris de l'université et des œuvres universitaires. C'est de ce même ex-ministre ayant fait partie des cinq ministres qualifiés par les médias de "catastrophiques", et que le président Bouteflika avait congédiés lors du remaniement ministériel qu'il avait opéré le 12 septembre 2013, qu'il s'agit. Cet homme a été aussi l'un des premiers fossoyeurs de l'université algérienne, et comme l'écrit à juste titre un observateur, la cause principale de "la déchéance de l'université algérienne" qui "est une réalité amère qui fait mal à tous les Algériens". Des classements internationaux accablants, des diplômés mal formés et inadaptés aux besoins du marché de travail, avec le népotisme et le trafic d'influence dans l'obtention des diplômes, des conditions de vie déplorables dans les résidences universitaires, des programmes pédagogiques dépassés et désuets, les problèmes de fonctionnement auxquels fait face notre université sont aigus et complexes. Ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique depuis septembre 2002, le bilan de Rachid Haraoubia est donc loin d'être positif. C'est même tout le contraire. Héritage lourd et ingérable Durant toutes ces longues années, ce ministre a échoué à remettre l'université algérienne sur les rails. Et pourtant, de nombreuses voix se sont élevées pour réclamer son départ pour mauvaise gestion. Chose faite en ce mois de septembre 2013... Mais les ministres qui lui ont succédé depuis septembre 2013, MM. Mohamed Mebarki et Tahar Hadjar, ont recueilli un héritage d'autant plus lourd qu'il s'avère ingérable en raison des passifs qu'il comporte. Ces deux ministres ont, en effet, essayé, chacun à sa manière, d'assainir ce secteur de l'enseignement supérieur en l'expurgeant de ses pratiques délétères, de son népotisme et de ses passe-droits, mais très vite ils se sont heurtés à des résistances de la part de ceux qui, avec le temps, les habitudes et les réflexes routiniers, ont acquis une situation de rente. Grâce aux œuvres universitaires, certains groupes d'intérêts privés avaient pu, entre 2002 et 2013, se remplir l'escarcelle ; de même certains recteurs des universités avaient pu, durant la même période, se constituer une belle fortune à la faveur des appels d'offres portant sur des projets divers (construction des cités universitaires, des pôles, des annexes, des logements). Certains responsables des moyens généraux dont le niveau, pour quelques-uns, ne dépasse guère le niveau moyen, sont devenus patrons privés à la faveur, sans doute, du choix "judicieux" des fournisseurs et de la consistance de "la commission". Leurs noms, la raison sociale de leurs entreprises ou commerces, les lieux de leur implantation pourraient être facilement identifiés pour peu qu'une enquête sérieuse soit lancée... Par ailleurs, des recteurs se nommant eux-mêmes "professeur X" et "professeur Y", mais qui n'ont jamais rien produit qui vaille la peine d'être signalé comme produit réellement scientifique, sinon des textes et des livres ressortant du "copier-coller", sont devenus de véritables "entrepreneurs" au sens d'affairistes, tout en régnant à la tête de l'université dont ils étaient les managers comme des "monarques" héréditaires... A. R. (*) Professeur d'histoire et de sociologie politique (université de M'sila) (*) Les intertitres sont de la rédaction