Les Algériens, même innocents, ont peur du juge parce qu'ils ne sont jamais sûrs d'avoir leurs droits ni d'être entendus. Le sentiment collectif que le justiciable est coupable d'office est d'ailleurs fortement implanté dans les esprits. La coupe des avocats doit être bien pleine pour qu'ils ne puissent pas la contenir jusqu'au départ du ministre français de la justice actuellement dans nos murs. Dans leur communiqué, il ne s'agit pas effectivement de problèmes socioprofessionnels, mais de graves atteintes au droit de la défense donc du justiciable. Ce n'est pas la première fois que la corporation crie à l'injustice. La réforme — qui paraît-il est en cours — du système judiciaire ne semble pas d'un grand secours au libre exercice du métier d'avocat. Mais au bout de la chaîne, ce sont encore une fois des citoyens qui paient de leur temps, de leur argent et souvent de leur liberté l'enlisement de la justice algérienne. Ce sont tous ces “petits” dossiers entassés sur les bureaux des magistrats, ces affaires pour lesquelles il n'y a jamais de coup de fil salutaire ni d'enveloppes consistantes qui caractérisent l'inextricable bureaucratie judiciaire. La machine accélère toutefois la cadence quand elle traite de gros scandales médiatiques et très souvent politiques. Mais les accusés dans ces cas-là appartiennent au système et “tombent” pour des raisons plus obscures, rarement exposées à la barre. Les Algériens, même innocents, ont peur du juge parce qu'ils ne sont jamais sûrs d'avoir leurs droits ni d'être entendus. Le sentiment collectif que le justiciable est coupable d'office est d'ailleurs fortement implanté dans les esprits. Cette appréhension est traduite par la colère des Robes noires clairement exprimée, hier, dans leur communiqué qui évoque l'éventualité d'une journée de protestation. Des voix qui s'élèvent en ces temps de silence sont toujours intéressantes à écouter même si l'on sait déjà qu'elles ne réussiront pas à secouer la torpeur de l'appareil judiciaire. Pas cette fois-ci en tout cas. G. K.