Ayant saisi le Premier ministre, puis le président de la République par trois fois, et n'ayant obtenu aucune réponse, la Coordination des comités de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques a lancé hier un appel à la population pour une marche dans les rues de Béjaïa. Après avoir épuisé toutes les voies de recours légales, les membres de la Coordination nationale des comités de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques ont décidé de réinvestir la rue pour "exiger le déblocage de tous les projets structurants de la wilaya de Béjaïa, dont l'usine de trituration de la graines oléagineuses du groupe Cevital". Ainsi, ils appellent à une marche à Béjaïa pour le lundi 14 mai prochain. Cette manifestation de rue aura pour point de départ le siège du complexe agroalimentaire de Cevital à Béjaïa, et pour point de chute le siège de la wilaya. "Oui au déblocage de l'usine de trituration de Cevital Béjaïa et de tous les projets structurants !", "Oui à la répartition équitable des richesses de l'Algérie !", "Oui à l'arrêt immédiat des poursuites judiciaires à l'encontre des membres de la coordination !", "Non à la politique de deux poids deux mesures !", "Non au chômage ! Oui pour des emplois décents et durables !", "Non au sabotage de Cevital et de l'Algérie qui produit !", "Non à l'instrumentalisation de la justice !", sont les principaux mots d'ordre de la marche. Il est à noter que cette décision de reprendre le chemin de la protestation à travers des actions pacifiques, intervient après l'envoi par les membres de la même coordination d'une correspondance au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, puis s'ensuivront les trois lettres adressées au président de la République, en sa qualité de premier magistrat du pays, dans lesquelles ils sollicitent leur intervention en vue de débloquer le projet initié par le groupe Cevital à Béjaïa. Cependant, force est de constater que toutes les correspondances adressées aux plus hautes autorités de l'Etat algérien sont jusque-là restées lettre morte ! À cela s'ajoute, faut-il le rappeler, la "demande d'intervention urgente" adressée l'année dernière par un groupe de députés à l'actuel Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui demeure, elle aussi, sans suite. C'est ce qui explique, indubitablement, la décision des membres de la coordination de recourir à la rue pour faire pression sur le pouvoir en place. Dans sa déclaration-appel rendue publique hier, la coordination des comités de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques déplore que "le Président se soit emmuré dans un silence lourd de sens, un silence qui vaut, au mieux, encouragement, au pire complicité avec les lobbies destructeurs de l'investissement productif", ajoutant que "seul le directeur du port s'est manifesté, dans une vaine tentative d'intimidation et de musellement, par un dépôt de plainte contre le porte-parole de notre coordination, Mourad Bouzidi, qui a été jugé pour ‘diffamation' et condamné en première instance et dont le procès en appel se tiendra le 20 mai prochain". Pour les animateurs de la même coordination, "le silence de nos gouvernants ne fera qu'accentuer le sentiment de ségrégation, de régionalisme et de favoritisme économiques qui prévaut dans plusieurs régions du pays". Pour preuve, souligne-t-on, "les chiffres sur la répartition de la richesse dans notre pays font froid dans le dos. Ils sont une porte grande ouverte au sentiment d'exclusion de la Kabylie et de certaines régions de la collectivité nationale". "Régionalisme économique" Les rédacteurs de la déclaration rappellent, à ce titre, que la wilaya de Béjaïa n'a bénéficié d'aucun projet structurant d'envergure et les rares projets publics inscrits pour son compte sont à ce jour inachevés pour certains ou carrément gelés pour d'autres (3 000 milliards de centimes de projets gelés). "Les seuls investissements économiquement visibles et politiquement lisibles dans la région, sont dédiés à la répression : une base de la gendarmerie, une école des cadets, une prison et un asile psychiatrique à Oued Ghir !", ont-ils déploré. Qualifiant la politique du gouvernement de Bouteflika de "régionalisme économique", ils citent à titre d'exemple, le blocage de l'ensemble des projets structurants, dont ceux de Cevital, qui constituent, selon eux, "une réalité aujourd'hui irrécusable". Ils appellent, à cet effet, à "mettre un terme en urgence à cette politique qui constitue, par-dessus tout, une véritable menace à l'unité nationale. Nos gouvernants et décideurs sont plus que jamais interpellés pour assumer leurs responsabilités devant l'histoire". La coordination de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques invite "tous les Algériens, tous les travailleurs, tous secteurs confondus, tous les industriels et investisseurs, tous les commerçants, tous les acteurs politiques et associatifs, tous les artistes et surtout tous les étudiants et tous les chômeurs à venir massivement, le lundi 14 mai 2018 à 10 heures, à la Marche de l'espoir". Pour rappel, cette coordination, créée par des citoyens soucieux de l'avenir socioéconomique de leur région, se voulait à la fois un espace de débat et de concertation, mais aussi une force de proposition et un cadre organisationnel de combat pacifique du droit au travail et de la liberté d'investir. C'est ainsi que ses membres se sont mobilisés pour dénoncer les blocages que subit le groupe Cevital, tout en exigeant la levée de toutes les entraves liées à son projet de réalisation d'une unité de trituration de graines oléagineuses en dehors du port de Béjaïa. Le comité citoyen de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques, qui a pu ratisser large pour devenir une coordination nationale, a eu déjà à organiser l'année précédente, trois marches dans les rues de l'ancienne capitale des Hammadites, lesquelles avaient drainé des milliers de personnes, dont des travailleurs de Cevital de Béjaïa, des parlementaires, des élus locaux (APW et APC), des responsables de partis politiques, des syndicalistes, des militants associatifs et des droits de l'Homme, des chômeurs, des étudiants... Kamal Ouhnia