Les manifestants ont marqué une halte pour dénoncer le DG du port de Béjaïa, non sans avoir observé, en cette veille du 63e anniversaire du 1er Novembre 1954, une minute de silence à la mémoire des martyrs de la Révolution. Ce sont 5 000 personnes environ qui ont manifesté, hier, dans les rues de Béjaïa, en réponse à l'appel du Comité de soutien aux travailleurs Cevital et aux investissements économiques dans la wilaya. Cette troisième marche dudit Comité revêtait un cachet particulier, tant elle dépassait le cadre local, puisque les manifestants sont venus de plusieurs wilayas du pays pour prendre part à cette "marche de la dignité". Ils sont venus notamment des wilayas où des comités locaux de soutien aux travailleurs de Cevital viennent d'être installés, à savoir Blida, Bordj Bou-Arréridj, Tizi Ouzou, Constantine, Skikda, Bouira et Souk-Ahras. Parmi les manifestants, il y avait des animateurs associatifs, des militants politiques de divers horizons, des membres des syndicats autonomes, des candidats aux prochaines élections locales, mais aussi des citoyens anonymes. La marche qui a démarré à 10h30, depuis le complexe agroalimentaire Cevital, sis à l'arrière-port de Béjaïa, en passant, cette fois-ci, par le port de Béjaïa où une halte symbolique a été observée, a pris fin devant le siège de la wilaya. En tête de marche, un camion sur lequel les membres du comité d'organisation scandaient dans un micro des slogans appelant au déblocage des investissements du groupe Cevital et de tous les projets structurants pour le développement de la région dans la région et portés par des investisseurs qui ne sont pas encouragés dans leur démarche. Le DG du port dénoncé Les manifestants ont repris ces slogans tout au long de l'itinéraire de la marche. Une banderole géante sur laquelle on pouvait lire : "Pourquoi ce qui est valable, autorisé, encouragé et financé à l'intérieur du port de Djendjen est empêché à Béjaïa ?", est arborée par les manifestants au premier carré de la marche. "Développement économique de Béjaïa, droit légitime", "non au blocage des investissements de Cevital", "non aux deux poids, deux mesures", "libérez les équipements bloqués" sont d'autres slogans écrits sur les banderoles brandies par les marcheurs. À leur arrivée à hauteur du rond-point devant l'entrée principale du port de Béjaïa, les manifestants ont marqué une halte pour dénoncer le DG du port de Béjaïa, non sans avoir observé, en cette veille du 63e anniversaire du 1er Novembre 1954, une minute de silence à la mémoire des martyrs de la Révolution. "DG du port, dehors", "Libérez les bateaux de Cevital", "Assa azeka, Cevital tela tela", sont autant de slogans scandés sur les lieux par les manifestants, avant de poursuivre leur marche par la rue de la Gare puis celle de la Liberté, pour enfin se rassembler devant le siège de la wilaya en reprenant toujours aussi fort les slogans favorables à la liberté d'entreprendre et hostiles aux blocages bureaucratiques ou claniques dont souffrent le groupe Cevital et d'autres investisseurs. Sur place, une prise de parole a été organisée par les membres du comité. Le premier à intervenir est le porte-parole de ce comité, Mourad Bouzidi, pour lire une déclaration dans laquelle il a précisé : "Par notre marche du 29 octobre, nous avons l'ambition de construire un consensus national autour du soutien aux travailleurs de Cevital et au déblocage des investissements du plus grand investisseur du continent. Il s'agit dans un premier temps de gagner la bataille de l'opinion nationale par un travail d'explication et de sensibilisation continu et constant, puis de créer le rapport de force nécessaire pour imposer le déblocage des investissements de Cevital et la sauvegarde de ses emplois." Le président de la République interpellé Et d'expliciter sa démarche : "Ce rapport de force national se construit dans la rue en gagnant l'adhésion du peuple algérien à la dynamique de soutien aux travailleurs de Cevital, par une solidarité nationale et internationale (les Algériens à l'étranger) pour faire reculer les prédateurs et les lobbys criminels qui agissent dans l'ombre pour briser Cevital." Il a poursuivi en souhaitant que "cette solidarité nationale autour des questions du droit d'investir et de créer de l'emploi dépasse tous les clivages et renforce l'unité nationale". Les rédacteurs de la déclaration n'ont pas omis d'interpeller le président de la République et le Premier ministre "à réagir vite et de manière ferme pour débloquer les projets de Cevital et rendre sa place à ce groupe qui fait la fierté de notre pays à l'étranger". L'orateur affirme que "leur silence ne fera qu'accentuer le sentiment de ségrégation, de régionalisme et de favoritisme économique qui prévaut dans notre région". Et de conclure en s'interrogeant : "Quand tous les citoyens de Béjaïa constatent que trois mille milliards de centimes de projets structurants sont gelés, que vont-ils en penser ?" Puis de s'indigner en martelant : "Lorsque des hauts décideurs de la politique économique du pays reprochent à quelques rares investisseurs audacieux de vouloir (encore) investir en Kabylie, on ne peut qu'être scandalisés et inquiets pour l'avenir de notre pays." Un autre membre du comité, Saou Rachid, lui succède pour lire une lettre ouverte du comité au Premier ministre, Ahmed Ouyahia (voir ci-contre). Une lettre à travers laquelle le comité de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements économiques de Béjaïa a relaté dans le détail la genèse des blocages par la direction du port de Béjaïa des équipements du groupe Cevital, destinés à son projet d'unité de trituration de graines oléagineuses. Les rédacteurs de ce courrier au Premier ministre dénoncent, notamment, "l'attitude du directeur du port de Béjaïa, contraire aux orientations économiques du président de la République demandant aux opérateurs économiques du pays de se mobiliser et de s'engager dans l'investissement productif, créateur d'emplois et de richesses". Dans cette missive, l'on demande au Premier ministre d'"agir vite et de manière ferme pour mettre un terme aux abus outrageants dont se rend régulièrement coupable le DG du port de Béjaïa". L'intervenant signale que cette lettre adressée au Premier ministre sera accompagnée par un rapport détaillé sur "la politique des deux poids, deux mesures" où est évoquée notamment la réalisation de deux unités de trituration de graines oléagineuses du groupe Kouninef et de Sipaco dans l'enceinte même du port de Djendjen. Djamel Zenati rejoint le mouvement La parole est cédée ensuite au militant des causes justes, Djamel Zenati, qui a tenu à prendre part à la marche. "C'est un devoir d'être ici et j'espère qu'à la prochaine action de rue, il y aura plus d'un million de manifestants", déclare d'emblée l'ancienne figure de proue du Mouvement culturel berbère (MCB) et ancien député FFS de Béjaïa, sous un tonnerre d'applaudissements des manifestants. M. Zenati a longuement insisté sur l'urgence de resserrer les rangs et de traduire dans les faits cette union car si, poursuit-il, "le pouvoir fait aujourd'hui ce qu'il fait, c'est que nous sommes désunis. Non seulement le pouvoir mène le pays à la faillite, mais il empêche des investisseurs de la trempe de M. Rebrab, les vrais bâtisseurs, d'investir, qui plus est, en engageant leur propre argent. C'est du jamais vu". Il estime que cette question de Cevital est une affaire "qui doit nous unir". "Le pouvoir ne fait plus dans le harcèlement ou dans la provocation, c'est une guerre qu'il nous déclare. Nous ne voulons pas de l'affrontement mais, s'il le veut, nous sommes prêts", déclare l'intervenant d'un ton ferme avant de proposer publiquement aux membres du comité que la prochaine action soit celle de "bloquer le port et toutes les administrations publiques. C'est à nous maintenant de le bloquer. Je cherche le progrès et la prospérité mais je suis prêt à aller jusqu'au bout avec vous", ajoute avec beaucoup de conviction l'ancien militant du MCB et ex-député et cadre du FFS. Mme Lila Hadj-Arab, Mme Noura Ouali et Atmane Mazouz, du RCD, sont intervenus en tant que citoyens et non en tant que parlementaires pour abonder dans le même sens ainsi que Sofiane Adjelane du Rassemblement pour la Kabylie (RPK). La première intervenante, Lila Hadj-Arab, a souligné qu'il faut que "le pouvoir sache que nous n'avons pas de leçons à recevoir sur le nationalisme et nous n'avons pas à nous justifier pour une région qui a abrité le congrès de la Soummam". "L'investisseur Rebrab, c'est nous qui avons besoin de lui pour investir. Ils ont tout dilapidé. Maintenant, ils cherchent la division et l'affrontement. Nous avons toute l'énergie et toute la force pour que la région fasse face à cette situation", a-t-elle ajouté, estimant que nous sommes face à "un comportement de chefs de bande". Tous les intervenants n'ont pas manqué de dénoncer les blocages des investissements de Cevital. À signaler que la semaine prochaine, les membres du comité, qui seront accompagnés de Djamel Zenati, remettront leur lettre et le rapport sur l'investissement au Premier ministre et que la marche s'est déroulée dans le calme. Aucun incident n'est venu perturber la marche, l'organisation de cette action ayant été à la hauteur des enjeux. L. OUBIRA