N'ayant rien à proposer pour calmer la colère de la rue, qui ne se satisfait pas de la démission du Premier ministre, le roi de Jordanie met le peuple en garde contre "un saut dans l'inconnu". Les manifestations se sont poursuivies hier dans la capitale jordanienne Amman, où plus de 2 000 personnes se sont encore rassemblées tard dans la nuit de lundi près du bureau du Premier ministre, malgré la démission de ce dernier quelques heures plus tôt. Les manifestants ont réclamé le retrait du projet de loi élargissant l'impôt aux salaires modestes et augmentant son taux pour certains particuliers et aux entreprises. Ils ont également scandé des slogans contre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI), qui pousse la Jordanie à des réformes structurelles en échange d'une bouée de sauvetage de 723 millions de dollars accordée en 2016 pour soutenir l'économie atone de ce pays de 10 millions d'habitants. Certains manifestants étaient venus avec leurs enfants et d'autres avaient apporté des pâtisseries pour les offrir aux forces de sécurité. Rappelons que la Jordanie, qui ne dispose pas de ressources naturelles, a obtenu en 2016 un prêt de 723 millions de dollars sur trois ans du FMI, en échange d'un engagement à mener des réformes structurelles et à réduire ses déficits. C'est ce qu'a tenté de faire le Premier ministre à travers une nouvelle fiscalité et l'augmentation de 5% des prix des carburants et de l'électricité, d'où l'ire de milliers de Jordaniens. Devant cette situation, le roi Abdallah II s'est exprimé devant les journalistes pour avouer pratiquement son incapacité à proposer d'autres solutions que ce qui est imposé par le FMI. D'un ton menaçant, il a mis en garde contre "un saut dans l'inconnu", en cas de poursuite de la "crise". "La Jordanie est aujourd'hui à la croisée des chemins : soit elle parvient à sortir de la crise et à offrir une vie digne à ses citoyens, soit, Dieu nous en préserve, elle va vers l'inconnu", a déclaré le souverain hachémite, selon l'agence officielle jordanienne Petra. Pour le roi Abdallah II, les problèmes économiques de la Jordanie, pays frontalier notamment de la Syrie, de l'Irak, d'Israël et de la Cisjordanie occupée, sont imputables à l'instabilité régionale, à l'accueil de centaines de milliers de réfugiés syriens et au manque de soutien international. Par ailleurs, le roi a nommé au poste de Premier ministre Omar al-Razzaz, un économiste formé à Harvard, qui a travaillé à la Banque mondiale aux Etats-Unis ainsi qu'au Liban en tant que représentant de l'institution. Il faut dire que ces manifestations, les plus importants depuis les "émeutes du pain" en 1996, et celles du "printemps arabe" de 2011 dans ce pays, mettent la Jordanie au bord d'une explosion sociale. Si en 2011, les Etats-Unis avaient permis au roi Abdallah II de s'en sortir en lui apportant une aide financière en échange de concessions dans les dossiers irakien, syrien et palestinien, Washington ne bouge pas le petit doigt aujourd'hui et assiste en spectateur.