Selon des sources judiciaires, des commissions rogatoires seront délivrées incessamment au Brésil d'où les containers de viande, dans lesquels la poudre blanche a été dissimulée, ont été embarqués. L'importateur et promoteur immobilier Kamel Chikhi, deux de ses frères, l'un de ces associés Messoud Nadjib, ainsi que le directeur commercial de l'entreprise Dounia Meat ont été placés, vendredi après-midi, sous mandat de dépôt. Après près de trente heures d'audition sans interruption, soit de jeudi à 11h à vendredi à 16h30, le juge d'instruction du pôle spécialisé aux compétences internationales du tribunal de Sidi M'hamed a retenu contre eux les chefs d'accusation de trafic de drogue, de blanchiment d'argent et de constitution d'une organisation criminelle transfrontalière, a-t-on appris auprès de leur défense. Les biens de Kamel Chikhi ont été saisis dans leur intégralité, comptes bancaires compris. Le collectif des avocats de la défense compte interjeter appel aujourd'hui de la mise sous mandat de dépôt, conformément aux dispositions du code de procédure civile portant sur la présomption d'innocence. La chambre d'accusation devra statuer dans les vingt jours sur cette requête. Dans le cadre de la même affaire, le juge d'instruction de la 9e chambre du pôle pénal a également entendu 25 témoins, parmi eux le commandant de bord du cargo "Véga Mercury" affrété par la compagnie suisse MSC qui avait assuré le transport de la marchandise du port de Valence vers celui d'Oran, des membres de l'équipage de nationalité asiatique, ainsi que le transitaire qui devait réceptionner les containers de la viande importée du Brésil. Selon des sources judiciaires, des commissions rogatoires seront délivrées incessamment au Brésil d'où les containers de viande, dans lesquels la poudre blanche a été dissimulée, ont été embarqués. La justice algérienne cherche à déterminer la responsabilité de tous les acteurs dans cette affaire, à travers une enquête qui commencera par la société qui a fourni la viande, la compagnie qui a affrété le navire, les contrôles au niveau des autorités portuaires brésiliennes jusqu'aux complicités qui devaient faciliter la réception de la marchandise au niveau du port d'Oran. À ce stade de l'instruction, on ne sait pas encore pourquoi l'un des associés de Kamel Chikhi a été mis sous mandat de dépôt. Pourtant, selon nos informations, il ne détiendrait aucune action dans la société Dounia Meat, propriétaire de la cargaison incriminée, mais serait en relation d'affaires avec lui sur d'autres projets. Il y a lieu de souligner qu'avant d'être présentés devant le juge, les cinq accusés et l'ensemble des témoins ont été interrogés pendant 8 jours consécutifs par la Gendarmerie nationale qui soupçonne aussi Kamel Chikhi, surnommé "Kamel le boucher", en référence à sa première activité commerciale, de blanchiment d'argent à travers ses investissements immobiliers. Originaire de Lakhdaria, cet homme d'affaires, la quarantaine bien entamée, a, en effet, investi ces dernières années dans l'achat de nombreux terrains et espaces verts à Alger sur lesquels il a fait construire des résidences de luxe. Ces biens auraient été acquis grâce à des passe-droits et des complicités de haut niveau. Les riverains ont porté plainte devant les tribunaux administratifs. Sans obtenir gain de cause. La justice s'intéresse désormais à lui dans cette affaire de la plus grande saisie de drogue de l'histoire du pays qui a éclaté le 29 mai dernier, lorsque les gardes-côtes, en collaboration avec la Gendarmerie nationale et les services des douanes, ont découvert 701 kg de cocaïne cachés dans des boîtes de couleur rouge avec inscription "Viande halal" chargées dans des containers en provenance du Brésil. La marchandise est une commande de la société Dounia Meat de Kamel Chikhi. Contrairement à ce qui a été avancé, il ne s'agit pas de viande congelée, mais de viande fraîche importée pour couvrir les besoins du marché local durant le mois de Ramadhan. Le cargo, qui a fait escale à Valence, a été pisté par la marine espagnole. Celle-ci a communiqué ses soupçons aux autorités algériennes. L'instruction autour de cette affaire prendra au moins une année. Pour l'instant, un collectif de cinq avocats a été constitué par la famille Chikhi. Mais nombre de ténors du barreau d'Alger s'intéressent de près à ce dossier. Nissa Hammadi