Certes, il y a eu des footings de solidarité comme à Alger et à Oran, mais les réactions, au vu des dernières évolutions de cet appel à agression, vont désormais se situer sur un autre plan, celui du judiciaire. L'initiative a été lancée par un groupe de citoyens sous le slogan "Jogging citoyen", en signe de protestation contre l'agression de Ryma, une joggeuse qui avait été prise à partie par son agresseur parce qu'elle faisait du footing, une heure avant la rupture du jeûne. À 17h30, et sous une température clémente, un long cortège de près d'une centaine de joggeurs s'est élancé de l'entrée du bois de Canastel passant par les brèches et les sentiers de la forêt, jusqu'à la corniche Est d'Oran. Les coureurs, hommes, femmes et enfants, ont ensuite pris le chemin du retour à quelques instants de la rupture du jeûne. Plusieurs citoyens d'Oran, des universitaires, notamment des cadres de la culture, étaient de la foulée, en soutien à Ryma et pour le droit des femmes d'occuper l'espace public. Certes, il y a eu des footings de solidarité comme à Alger et à Oran, mais les réactions, au vu des dernières évolutions de cet appel à agression, vont désormais se situer sur un autre plan, celui du judiciaire. En effet, des groupes de citoyennes, des associations et de simples anonymes vont se concerter pour envisager des actions en justice contre les auteurs des appels à vitrioler des femmes. "Des avocats vont être consultés dès aujourd'hui (hier, ndlr) sur les possibilités d'actions en justice et pour interpeller les pouvoirs publics qui ont la responsabilité d'assurer la sécurité des femmes et des citoyens en général et qui ont les moyens d'identifier les auteurs de ces appels immondes", nous explique l'une des initiatrices de l'action qui, au demeurant, se tiendra aussi à Alger. La loi sur le cyberharcèlement permettrait le dépôt de plaintes et les auteurs sont bien passibles de prison, nous dit-on encore. Il est encore recommandé comme autres actions de demander le blocage du groupe, des comptes ayant relayé et encouragé cet appel sur les réseaux sociaux, et surtout de les identifier. Pour une militante des droits des femmes, il est urgent et légitime d'agir, d'autant "que les pouvoirs publics sont coupables d'une passivité inadmissible. L'impunité et le laisser-faire par rapport à de tels appels sont tout aussi coupables que l'acte en lui-même s'il venait au pire à avoir lieu un jour". D'autres jeunes femmes que nous avons rencontrées, hier, disent leur véritable crainte de subir une agression. "Déjà, avant cette affaire, on subit le harcèlement dans la rue et les insultes et d'autres grossièretés que je ne peux vous rapporter", témoigne Assia, fraîchement diplômée et en quête d'un travail. D'autres jeunes filles envisagent carrément d'acheter une bombe défensive, mais cela est interdit par la loi. C'est dire le désarroi des jeunes femmes algériennes. Depuis quelques heures, il se dit que l'appel à vitrioler les femmes serait "un faux appel, un faux compte sur la Toile", comme pour désamorcer l'affaire et son ampleur, puisque les médias étrangers s'en sont emparés. Cela, en fait, ne résout rien, bien au contraire. "Si ce sont de faux appels, c'est révélateur de la tentative de manipuler et de créer des tensions dans la société et de cacher l'essentiel, mais quelle que soit la vérité, nous revenons au comportement des pouvoirs qui sévissent, quand ils le veulent, sur la Toile. Les dernières affaires de poursuites de blogueurs et de sites d'information en sont la preuve", réagit encore notre interlocutrice universitaire. D. LOUKIL/H. Hadj