Liberté : Les portails web officiels ne sont pas régulièrement actualisés ou se limitent aux activités factuelles. Quelle est votre analyse ? Ali Kahlane : La richesse, la pertinence ou la fraîcheur du contenu des sites web institutionnels est fonction de plusieurs facteurs. La nature de l'institution, son positionnement dans la hiérarchie, si elle doit ou pas fournir des services publics, ses relations à l'international, son niveau bureaucratique. L'existence d'un plan directeur numérique de l'institution ne serait pas fortuite. Ce dernier devrait être au moins conforme à la déclaration de politique sectorielle des TIC. Cette instruction présidentielle stratégique a même été confortée par un programme du gouvernement qui avait prévu dans un millier d'actions que l'institution devrait être en mode "interactif" : "dans ces services, il est possible d'établir une communication bidirectionnelle entre l'administration et les citoyens" (programme e-Algérie, revu et corrigé après son passage au CNES en avril 2009). La volonté politique existe. Les équipements, le réseau et le contenu aussi. Le citoyen est largement équipé pour accéder à la plus grande mine d'informations. Rien ne s'oppose plus à ce que le bon contenu soit mis à la disposition du citoyen algérien, pourvu que les bons canaux de communication pour dialoguer avec les institutions soient utilisés. Si on retarde encore plus cette prise en charge, le contenu authentiquement algérien restera dans les tiroirs. Dans le pire des cas, eu égard à la force et la popularité des réseaux sociaux, chez nous, ce seront très vite d'autres canaux alimentés par des sources d'informations douteuses qui prendraient le relais. À ce moment-là, les différences entre l'intox, la propagande, les manipulations de toutes sortes se disputeraient le leadership aux "fake news" et autres "trolls". Les réseaux sociaux, particulièrement Twitter, ne sont pas bien exploités. Pourquoi ? Twitter, un outil de communication dont la simplicité, à travers une interface dénuée de toute fioriture, lui a valu les faveurs et l'adoption par le plus grand nombre. Le nombre limité de caractères pousse ses utilisateurs à la concision et à l'essentiel. Cela lui a aussi valu d'être le canal de communication privilégié des gens qui comptent dans ce monde. Comment construire une bonne communication par le recours aux NTIC ? Il est important qu'une institution soit arrimée à la politique numérique de l'Etat. Celle-ci doit avoir défini dans le détail les canaux à investir, la charte graphique officielle représentant la République et ses constantes, le type de données et d'informations à communiquer ainsi que leur forme, la politique de sécurité en général et celle des données en particulier. Sachant que les institutions sont au service de tous, leur communication doit être pensée en fonction des besoins du citoyen en premier et celle du devoir de communiquer sur les activités réalisées en toute transparence, en second. Quelle est la proportion de la pénétration de l'internet dans le pays ? Les chiffres sont impressionnants. Il se trouve que, dans l'absolu, l'absence de concurrence, qui est un frein au développement des usages, le peu d'adhésion à une vision commune pour notre futur numérique, mettent à mal le plus important des leviers de croissance dont notre économie a besoin pour se détacher de la rente. Il est pourtant indéniable que beaucoup a été fait en termes d'investissements dans l'infrastructure fixe. Ces chiffres le démontrent, ils permettent à l'Algérie de faire malgré tout bonne figure au Maghreb et en Afrique en termes de pénétration internet et mobile avec un fort potentiel de croissance. Propos recueillis par : Souhila H.