Malgré les efforts soutenus, le conseil, créé à la faveur de la révision constitutionnelle, devrait encore résoudre certaines questions pour pouvoir aspirer au "certificat de conformité" nécessaire à une "respectabilité" internationale. C'est le rêve inabouti de Me Farouk Ksentini, président de la défunte Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme. Mais voilà que le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), créé en vertu de la nouvelle Constitution, remplaçant la commission, ne fait pas mieux. Réuni du 14 au 18 mai dernier, le Sous-comité des accréditations (SCA) de l'Alliance mondiale de coordination des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'Homme (GANHRI), dont le secrétariat est le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH), a recommandé, en réponse à une demande du CNDH, à ce qu'il soit réaccrédité avec le statut "B". Selon les Principes, dits de Paris, qui définissent les critères d'indépendance, le travail et la composante des Institutions nationales des droits de l'Homme (INDH), le statut "A" est délivré aux institutions qui sont pleinement en conformité avec ces principes, tandis que le statut "B" est réservé aux institutions qui sont "partiellement conformes aux Principes de Paris, ou renseignements fournis insuffisants pour rendre une décision". "Le SCA recommande que le CNDH soit réaccrédité avec le statut B. Le SCA salue les efforts déployés par le CNDH pour préconiser l'adoption d'une nouvelle loi habilitante afin de répondre aux préoccupations soulevées précédemment par le SCA. Le SCA accueille également avec satisfaction le travail effectué par le CNDH, compte tenu de la situation difficile dans laquelle il évolue. Le SCA est d'avis qu'un certain nombre de questions doivent encore être résolues pour que le CNDH soit pleinement conforme aux exigences des Principes de Paris et des Observations générales", note le rapport de la SCA de la GANHRI que nous avons consulté. Parmi les "préoccupations" relevées par le SCA, celles relatives au mode de sélection et de désignation des membres de la CNDH, dont le moins que l'on puisse dire est que nombre parmi eux ne sont pas assez connus sur le terrain de la lutte en faveur des droits de l'Homme. "Le SCA est d'avis que la procédure prévue par la loi n'est pas suffisamment ample et transparente, car elle ne prévoit pas notamment : - que les vacances soient annoncées ; et - mettre en place des critères uniformes qui permettent à toutes les parties d'évaluer les mérites des candidats éligibles ; - d'amples consultations et un processus participatif, lors de la soumission, le criblage et la sélection des candidats", souligne le rapport. "En outre, le SCA est d'avis que, étant donné que les différentes parties prenantes choisissent leurs membres selon des procédures qui leur sont propres, il est possible que les processus de sélection soient également différents, alors que toutes les parties devraient appliquer un même processus de sélection au mérite, qui doit être cohérent et transparent et prévoir d'amples consultations", ajoute le texte. "Il est essentiel que le processus de sélection et de désignation de l'organe de décision de l'INDH soit clair, transparent et participatif et qu'il soit consacré moyennant une loi, un règlement ou des directives administratives contraignantes, selon ce qui convient. Le processus de sélection doit se faire au mérite et assurer le pluralisme, afin de garantir l'indépendance de l'INDH et de susciter la confiance de la population vis-à-vis de ses hauts responsables", recommande encore le rapport. Autre reproche : la présence des représentants politiques au sein du CNDH. En effet, en vertu de la loi, deux membres de chaque Chambre parlementaire y siègent. Or, cette présence peut avoir des répercussions sur l'indépendance de la décision du conseil. D'où la nécessité de la révision de la loi. La présidente épinglée S'il "prend acte" du fait que le CNDH ait introduit un projet d'amendement de sa loi d'habilitation auprès du Premier ministre, le SCA souligne, toutefois, que, selon les Principes de Paris, l'INDH doit être "indépendante du gouvernement dans sa structure, sa composition, son mode de fonctionnement et ses prises de décisions". "L'INDH doit être constituée de manière à pouvoir examiner et déterminer ses propres priorités stratégiques et ses activités, en fonction uniquement des priorités des droits de l'Homme, telles qu'elle les perçoit, sans ingérence politique. Pour ces raisons, les représentants du gouvernement et les députés ne doivent pas être membres de l'INDH, ni prendre part aux débats de son organe décisionnel. Leur appartenance ou participation aux prises de décision de l'INDH peut avoir des répercussions sur l'indépendance réelle de celle-ci", préconise le SCA. "Le SCA est conscient qu'il est important d'entretenir des relations de travail efficaces et, le cas échéant, de consulter le gouvernement. Toutefois, cette relation ne doit pas être le fruit d'une participation de représentants du gouvernement aux prises de décision de l'INDH", précise le rapport. Les mesures prises à propos des actes de torture, des disparitions forcées et de l'expulsion de migrants, jugées "limitées et ne constituant pas un traitement adéquat de ces violations des droits humains", "nécessité de prévoir une procédure de révocation indépendante", durée du mandat qui doit être fixé à un seul, la collaboration avec le système international des droits de l'Homme de façon indépendante, ainsi que l'accessibilité au site, dont le contenu doit être présenté également en arabe et en tamazight sont autant d'autres remarques relevées par le rapport. Enfin, le SCA a épinglé la présidente du CNDH, Fafa Benzerrouki, après ses critiques contre l'ONG Amnesty International. Dans des propos repris en mars dernier par l'APS, Fafa Benzerrouki avait indiqué que le rapport d'Amnesty International sur la situation des droits de l'Homme dans le monde s'était basé, dans le volet réservé à l'Algérie, sur "des déclarations fallacieuses, dénuées de tout fondement". "Les INDH doivent interpréter leur mandat de manière ample, libérale et ciblée, afin de promouvoir une définition progressiste des droits de l'Homme qui englobe tous les droits énoncés dans les instruments nationaux, régionaux et internationaux. Elles sont censées promouvoir et faire respecter tous les droits de l'Homme, les principes démocratiques et l'Etat de droit en toutes circonstances, et sans exception", note le rapport. "Lorsque des violations graves des droits de l'Homme sont imminentes, les INDH doivent faire preuve d'une vigilance et d'une indépendance accrues. En s'acquittant de son mandat de protection, les INDH doivent non seulement surveiller, enquêter et informer à propos de la situation des droits de l'Homme dans le pays, mais également entreprendre des activités de suivi rigoureuses et systématiques pour promouvoir et préconiser la mise en œuvre de ses recommandations et conclusions et protéger les personnes dont les droits ont été violés", précise SCA. Karim Kebir