Dans son nouveau rapport publié jeudi dernier Reporters sans frontières (RSF) révèle l'ampleur d'une nouvelle menace qui pèse sur les journalistes : le harcèlement en ligne massif des journalistes. RSF, qui indique avoir enquêté et documenté des cas de harcèlement en ligne de journalistes dans 32 pays, révèle que pour l'Algérie, cela se fait à travers des "pages facebook populaires récupérées par des mercenaires de l'information". Selon RSF, "en Algérie, une véritable armée en ligne a été mise en place lors de la campagne électorale en faveur du 4e mandat d'Abdelaziz Bouteflika. Avec l'arrivée de la 3G en 2013 et de la 4G fin 2016, le nombre d'internautes présents sur les réseaux sociaux a encore explosé. Le travail de désinformation passe notamment par la réappropriation, par les partisans du pouvoir, des groupes facebook les plus suivis". Les administrateurs de ces groupes "sont donc approchés, des sommes leur sont proposées — jusqu'à un million de dinars, soit plus de 7 000 euros — pour céder la gestion de la page", indique, en outre, Reporters sans frontières. Et d'ajouter : "Des hackers sont recrutés pour attaquer les pages facebook des opposants qui militent contre la réélection de Bouteflika. Insultes, menaces, appels aux meurtres... Les journalistes deviennent les victimes collatérales de cette guerre médiatique." "Le harcèlement en ligne est un phénomène qui se propage à l'échelle mondiale et qui constitue aujourd'hui l'une des pires menaces contre la liberté de la presse", déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Et de poursuivre : "On découvre que les guerres de l'information ne sont pas menées seulement entre pays sur le plan international, mais que les prédateurs du journalisme mettent en place des armées de trolls pour traquer et affaiblir tous ceux qui recherchent honnêtement les faits. Ces despotes laissent leurs mercenaires cibler les journalistes et leur tirer dessus à balles réelles sur le terrain virtuel comme d'autres le font sur les terrains de guerre." Le rapport de RSF révèle, toutefois, qu'il est difficile d'établir un lien direct entre les cabales en ligne à l'encontre des journalistes, mais l'organisation souligne que les conséquences sont parfois dramatiques : la plupart des journalistes victimes de cyberharcèlement interrogés par RSF sont, pour beaucoup, contraints à l'auto-censure face à cette vague de violence dont ils n'avaient pas imaginé l'ampleur. Les femmes journalistes sont les plus touchées par le cyberharcèlement. Deux tiers des journalistes femmes ont été victimes de harcèlement. Pour 25% d'entre elles, cela se passe en ligne. Face à ce constat, Reporters sans frontières formule 25 recommandations envers les Etats, la communauté internationale, les plateformes, les médias et les annonceurs pour une meilleure prise en compte de ces nouvelles menaces numériques. RSF propose également dans son rapport un tutoriel intitulé "Journalistes : comment faire face aux armées de trolls", dans lequel l'organisation rappelle les bonnes pratiques en matière de sécurité numérique. A. R. [email protected]