Le gouvernement socialiste espagnol a lancé formellement hier le processus d'exhumation de l'ancien dictateur Franco de son mausolée controversé, une décision qui divise en Espagne où le travail de mémoire provoque toujours une fracture politique. "Un pays qui regarde l'avenir doit être en paix avec son passé", a souligné sur Twitter le chef du gouvernement, Pedro Sanchez. "Nous allons exhumer les restes de Franco avec toutes les garanties et en écoutant les autres groupes parlementaires. Le gouvernement agit avec sérénité pour rendre leur dignité aux victimes du franquisme et à la démocratie", a-t-il ajouté. Concrètement, le gouvernement a approuvé hier un décret qui doit encore être voté par la Chambre des députés, où les socialistes sont très minoritaires mais où ils pourront compter sur l'appui de la gauche radicale de Podemos, des indépendantistes catalans et des nationalistes basques pour obtenir la majorité simple nécessaire. Selon la numéro deux du gouvernement, Carmen Calvo, l'exhumation, à laquelle la famille de l'ancien dictateur est farouchement opposée, pourrait avoir lieu "à la fin de l'année". "Nous célébrons les 40 ans de l'Espagne démocratique (...) et ce n'est pas compatible avec une tombe d'Etat où l'on continue à glorifier la figure de Franco", a-t-elle insisté devant la presse. La solution la plus plausible serait de transférer la dépouille de Franco dans le caveau familial près de Madrid. Mais en cas d'absence d'accord avec ses descendants, le gouvernement choisira le lieu où l'enterrer, a assuré Carmen Calvo. Une fois la dépouille de Franco retirée, le gouvernement compte faire de ce mausolée un lieu de "réconciliation" et de "mémoire" sur le modèle de ce qui a été fait dans les camps de concentration et d'extermination de l'Allemagne nazie. Complexe monumental situé dans les montagnes à 50 kilomètres de Madrid et surplombé par une croix de 150 mètres de haut, ce mausolée abrite aussi quelque 27 000 combattants franquistes et environ 10 000 opposants républicains, raison pour laquelle le dictateur le présentait comme un lieu de "réconciliation". Mais ses détracteurs le voient comme un symbole de division et de mépris pour les républicains dont les restes, extraits de fosses communes et de cimetières, y ont été transférés sans que leurs familles soient prévenues. En outre, 20 000 prisonniers politiques ont participé à sa construction entre 1940 et 1959. Signe de la fracture politique dans le pays sur la mémoire de la guerre civile et du franquisme, les Espagnols sont divisés sur l'exhumation du dictateur, selon un sondage publié hier par El Mundo et indiquant que 40,9% y sont favorables et 38,5% opposés. Le gouvernement se heurte d'ailleurs à un tir de barrage du Parti populaire (PP, droite), premier parti au Parlement, qui a déjà annoncé qu'il déposerait un recours devant la Cour constitutionnelle.