L'essor qu'a connu la surfacturation a accentué de manière exponentielle l'offre en devises qui, à son tour, a favorisé la thésaurisation en monnaies étrangères et le transfert de devises à l'étranger. En dépit de l'alerte donnée récemment par les experts du Fonds monétaire international (FMI) sur un marché informel de devises qui gagne en volume et en sophistication, les pouvoirs publics restent de marbre, remettant aux calendes grecques l'espoir d'un sursaut d'orgueil face à un fléau aussi préjudiciable. Le marché parallèle des monnaies étrangères a pris une tournure inquiétante ces derniers mois, où d'importants fonds y sont levés à la fois pour les besoins de thésaurisation et aux fins d'un transfert à l'étranger. Pour les besoins de thésaurisation, l'érosion du dinar sous l'effet de la baisse des fondamentaux de l'économie n'a fait qu'accroître la ruée vers les devises, l'euro et le dollar essentiellement. Les services de police et ceux des douanes reconnaissent avoir constaté ces derniers mois un mouvement inhabituel de sorties de devises en "quantités industrielles" qui ne sont point liées à la saison des vacances. Encore moins à des besoins pressants qui consistent à couvrir des soins médicaux et/ou des frais d'études à l'étranger. Les quantités de devises saisies aux frontières ne seraient que la face visible d'une pratique à grande échelle qui consiste à renflouer des comptes offshore ouverts dans des pays dont la réglementation est peu regardante sur l'origine des fonds. La Turquie et le Moyen-Orient sont des destinations de choix, voire des "free zone" où les banques sont peu exigeantes en matière de l'origine des fonds et des noms auxquels ils sont destinés. Au vu des pertes qu'a subies le dinar depuis la mi-2014 et des perspectives économiques et politiques peu rassurantes, il devient moins rassurant pour certains détenteurs de capitaux en dinars de les thésauriser en attendant que l'orage passe. C'est pourquoi le change est en progression permanente sur le marché informel qui attire désormais tant les partisans d'un placement à l'étranger que les produits de la surfacturation, blanchis ensuite dans l'immobilier et les activités peu fiscalisées. Sur le marché informel des devises, le métier de l'importation et le produit de la surfacturation génèrent une partie non négligeable de l'offre en devises. La combine est simple : s'approvisionner auprès des banquiers de la place pour 1 euro contre 140 DA, renchérir le coût des importations, rapatrier une partie des devises issues de la surfacturation et l'investir dans le marché parallèle des devises pour 1 euro contre 210 DA. L'essor qu'a connu le phénomène de la surfacturation a accentué de manière exponentielle l'offre en devises qui, à son tour, a favorisé la thésaurisation en monnaies étrangères et le transfert de devises à l'étranger. L'ancien ministre du Commerce, Bekhti Belaïb, avait indiqué que la surfacturation pèse pour un tiers dans la facture de l'importation, soit pour près de 20 milliards de dollars, coût des services compris. L'avant-projet de loi de finances 2019 a pointé des non moins gravissimes, accentués essentiellement par les importations, dont l'endettement fictif des entreprises auprès de sociétés de services établies à l'étranger, l'évasion fiscale, le transfert illicite de devises vers l'étranger, etc. C'est dire que l'appétit pour les devises n'a jamais été aussi fort, à l'heure où la situation politique et économique du pays chavire sans répit. Ali Titouche