Ils sont accusés de diffamation, d'outrage aux institutions, d'enregistrement ou de prise de vue sans autorisation ou consentement et d'atteinte à la vie privée. Trois journalistes animateurs de journaux électroniques ont été placés en détention jeudi. Ils ont été interpellés par la gendarmerie les 22 et 23 octobre. Arrêtés le 23 octobre dernier, le journaliste et rédacteur en chef du site électronique Algerie Part, Abdou Semmar, ainsi que son collaborateur Merouane Boudiab ont été présentés, jeudi, devant le tribunal pénal de Saïd Hamdine. C'est aussi le cas d'Adlène Mellah, directeur des médias en ligne Algérie Direct et Dzaïr Presse qui, a son tour, a été arrêté le 22 octobre dernier et qui a comparu également jeudi devant le tribunal correctionnel de Sidi M'hamed. Il s'agit, selon des avocats, de la défense de "comparution directe devant un juge de siège", suite à laquelle les trois journalistes ont été mis en détention pour être présentés le 8 novembre prochain devant le juge. Abdou Semmar et Merouane Boudiab sont inculpés de diffamation au moment où des griefs graves pèsent sur Adlène Mellah, arrêté pour "outrage aux institutions", "enregistrement ou prise de vue sans autorisation ou consentement" et "atteinte à la vie privée", a indiqué son avocat, Me Adelghani Badi. Des accusations qui peuvent lui valoir pas moins de cinq ans d'emprisonnement, et ce, suite à des plaintes déposées par Abdelkader Zoukh, wali d'Alger, le P-DG du groupe Condor et Anis Rahmani, DG de la chaîne TV Ennahar. Toujours selon son avocat, il a été déféré en compagnie de Fodil Dob, ancien footballeur, Kamel Bouakaz, comédien, et le frère d'Amir.dz, un cyberactiviste basé à l'étranger. Jeudi soir, la Gendarmerie nationale a rendu public un communiqué indiquant "avoir démantelé un réseau utilisant les réseaux sociaux et internet à des fins criminelles". Il s'agit, d'après ce même communiqué, de "sept affaires" liées à "la publication de photos attentatoires sur le réseau social Facebook, le chantage, la falsification de billets de banque, la divulgation de données obtenues de manière frauduleuse, la diffusion de publications injurieuses aux cadres de l'Etat, la participation au chantage, l'atteinte à la vie privée des personnes via des publications sur les réseaux sociaux et des sites web, la diffamation, les attaques et la diffusion d'images incitatives". La gendarmerie insiste sur le fait "d'avoir mené une enquête approfondie avec l'extension de la compétence à certaines wilayas et le recours à l'expertise scientifique des experts de l'Institut national de criminalistique et de criminologie de la GN (Bouchaoui) et du service central de lutte contre la cybercriminalité". Des investigations qui ont, justement, mené à l'arrestation de ces personnes qualifiées par la gendarmerie de "réseau criminel" tout en attestant "de la récupération de preuves les incriminant". Selon cette même source, "les victimes de ce réseau criminel ont fait l'objet de marchandage et d'extorsion sous menace de diffamation et d'atteinte à la liberté des personnes via les réseaux sociaux", ajoutant que ce réseau a utilisé, dans la pratique de ses crimes, l'escroquerie, la ruse, l'abus de fonction et le partage de rôles pour ne laisser aucun doute à leurs victimes, en se divisant en quatre groupes (collecte d'informations, montage, exercice de pression, intermédiation, marchandage et collecte d'argent). RSF : "L'interpellation est une grave atteinte à la liberté d'information" Pour l'organisation non gouvernementale Reporter sans Frontières (RSF), "aucun journaliste ne devrait se retrouver en prison pour des faits de diffamation". Et c'est justement là l'accusation dont font l'objet Abdou Semmar et Merouane Boudiab. RSF poursuit : "Est-ce comme cela que les autorités célèbrent la Journée nationale de la presse ? En arrêtant les journalistes ? Leur interpellation est une grave atteinte à la liberté de l'information. RSF demande leur libération immédiate", précise Souhaieb Khayati, directeur du bureau Afrique du Nord de RSF, cité dans le communiqué émanant de cette organisation. RSF rappelle, aussi, qu'Adlène Mellah et son rédacteur en chef Khelaf Benhadda ont déjà été arrêtés et détenus en juin dernier pour avoir couvert l'affaire de la saisie de 700 kg de cocaïne. Ils sont toujours sous contrôle judiciaire. Nabila Saïdoun