Sans en faire directement référence, la banqueroute d'El Khalifa Bank, Union Bank et la BCIA a servi de toile de fond au débat sur les outils juridiques en matière de liquidation des banques. Hier, au Conseil de la nation, tous les intervenants à la journée parlementaire sur le droit bancaire, parmi lesquels le ministre de la Justice, le membre doyen de la commission bancaire, un président de chambre au Conseil d'Etat et des experts européens, ont omis de citer expressément l'exemple des trois banques privées de droit algérien fermées ou en voie de liquidation. Le garde des Sceaux, Tayeb Bélaïz, s'est limité à revisiter l'arsenal juridique, lié à l'activité économique et financière, en révision depuis 2003. À vrai dire, le ministre de la Justice a focalisé sur les mesures préventives prises par l'Etat pour éviter la réédition de scandales financiers de l'ampleur de l'affaire Khalifa. Les autres conférenciers ont mis, bien que très prudemment, l'accent sur les lacunes du dispositif législatif, même si les nouvelles lois (notamment l'ordonnance sur la monnaie et le crédit et les lois portant blanchiment d'argent et lutte contre la corruption) tendent à réduire les risques de dysfonctionnement des établissements financiers. Il s'est agi surtout de définir les prérogatives et les missions des institutions chargées de veiller à la légalité de l'activité bancaire. À ce titre, c'est presque à un face-à-face que se sont livrés Maâchou Benaoumer, membre de la commission bancaire, et Fenniche Kamel, président de chambre au Conseil d'Etat. Cette institution, spécialisée dans le traitement des jurisprudences en matière de contentieux administratifs, statue sur les recours aux mesures émises par la commission bancaire. Il a cité le cas de la désignation par la commission bancaire d'un commissaire aux comptes de la BEA (Banque extérieure d'Algérie) au titre de liquidateur de la BCIA. “(…) Le fait que la BEA soit en litige auprès des tribunaux avec la BCIA peut raisonnablement créer des doutes pour les requérants quant à la neutralité et l'objectivité du liquidateur”, a expliqué M. Fenniche. Le Conseil d'Etat a conclu que la commission bancaire a fait une erreur d'appréciation et a annulé, en conséquence, sa décision. Il est rare, a reconnu néanmoins le conférencier, que son institution remette en cause les décisions de la commission bancaire. “On peut dire, mais avec prudence, car la jurisprudence est encore peu abondante, que le Conseil d'Etat soutient plus qu'il ne freine ou censure la commission bancaire”. Maâchou Benaoumer, représentant de la commission bancaire, a rappelé, alors, que l'organisme auquel il appartient “a une mission d'intérêt public. Ses verdicts sont rendus au nom de l'Etat”. Il a affirmé que la commission bancaire s'attellera à maintenir le rythme permanent des contrôles légaux sur place dans l'objectif de réagir à temps à d'éventuelles anomalies dans la gestion des établissements bancaires. Il lui a été demandé, lors du débat, de donner des exemples concrets de liquidation de banques. Il a évidemment refusé d'être entraîné dans ce sillage au motif qu'il ne convient pas de parler des affaires en cours. Il s'est limité à dire que la commission bancaire a motivé la décision du Conseil d'Etat, relative au retrait d'agrément à deux banques (El Khalifa Bank et Union Bank, en l'occurrence). Saïd Dib, représentant de la Banque d'Algérie, a relevé le manque de clarté dans la définition des prérogatives du liquidateur. Il a évoqué, en outre, la nécessité de protéger les petits déposants par la mise au placard du principe de l'égalité des créanciers dans le cas de la confirmation de la faillite d'une banque. Christian Orengo, avocat au barreau de Paris, a axé son intervention sur le dispositif de prévention des difficultés des entreprises et du rôle déterminant des commissaires aux comptes. Jean-Pierre Daguée, conseiller à la commission bancaire, financière et des assurances de Bruxelles, a présenté, pour sa part, les aspects juridiques des faillites bancaires internationales. S. H.