Les alliés de Riyad ne comptent pas lâcher le royaume, mais cela ne les empêche pas de monnayer leur soutien à l'Arabie Saoudite en maintenant la pression sur les Ben Salmane. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont haussé le ton face à l'Arabie Saoudite à qui il est exigé aujourd'hui de mettre fin à sa guerre d'agression au Yémen, mais aussi de sanctionner les auteurs et les commanditaires de l'assassinat du journaliste saoudien opposant Jamal Khashoggi. Si les alliés de Riyad épargnent le roi, qu'ils n'impliquent pas directement, ils exercent en revanche une forte pression sur le prétendu au trône, le prince héritier Mohamed Ben Salmane, soupçonné d'être derrière la liquidation le 2 octobre dernier de Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien à Istanbul. Dimanche soir, le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, est revenu à la charge en affirmant que Washington allait "demander des comptes à toutes les personnes impliquées dans le meurtre de Jamal Khashoggi", estimant "que l'Arabie Saoudite devait en faire de même". Dans un entretien téléphonique avec Mohammed ben Salmane, dit "MBS", M. Pompeo a également appelé à la "fin des hostilités" au Yémen ainsi qu'à des négociations, a indiqué la porte-parole du département d'Etat, Heather Nauert. Jeudi, le même Mike Pompeo s'était ainsi dit publiquement satisfait de la coopération des autorités saoudiennes pour faire la lumière sur ce crime. Mais la rencontre samedi soir à Paris des présidents turc et américain, lors d'un dîner organisé par l'Elysée, semble avoir été derrière ce changement de ton et le raidissement de Washington. Cela intervient aussi au lendemain des déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a affirmé avoir communiqué aux Américains des enregistrements supposément réalisés au consulat saoudien d'Istanbul le jour de la mort de Jamal Khashoggi. "Ils ont écouté les conversations qui ont eu lieu ici. Ils savent", a assuré samedi le président turc lors d'une conférence de presse télévisée. Vendredi, M. Erdogan avait déjà soutenu, dans une tribune, que l'ordre d'assassiner le journaliste saoudien émanait "des plus hauts niveaux du gouvernement". Le président turc avait écarté la responsabilité du roi Salmane, mais n'avait pas absous, en revanche, son fils, régulièrement mis en cause depuis plusieurs semaines par des responsables et des médias turcs. Concernant la guerre au Yémen, Washington et Londres ont décidé de prendre quelque distance avec Riyad, même si l'on ignore encore les véritables motivations de cette décision qui intervient, elle aussi, dans un contexte particulier. Washington et Londres font pression sur l'Arabie Saoudite pour que la coalition qu'elle commande dans ce pays cesse les hostilités, que l'ONU dénonce sans cesse. L'Administration américaine de Donald Trump, visiblement sous la pression du Congrès, a confirmé l'annonce samedi par Riyad que la coalition sous commandement saoudien au Yémen allait désormais effectuer elle-même le ravitaillement en vol de ses avions, assuré jusqu'ici par les Etats-Unis. Le ministre britannique est favorable à une "nouvelle action" au Conseil de sécurité pour soutenir les efforts du médiateur de l'ONU au Yémen Martin Griffiths qui cherche à organiser un nouveau round de négociations "d'ici la fin de l'année". L. M./Agences