"Visa For Music" est le premier salon des musiques d'Afrique et du Moyen-Orient, crée en 2013 à Rabat (Maroc). Dans cet entretien, Brahim El-Mazned, fondateur et directeur de cette manifestation, revient sur les grandes lignes de la 5e édition qui se tient du 21 au 24 novembre, ainsi que sur l'impact économique et culturel de cet évènement. Liberté : Visa For Music est une plateforme professionnelle dédiée à la musique en Afrique et au Moyen-Orient, qui a vu le jour en 2013. Comment est né ce projet ? Et quels en sont les objectifs ? Brahim El-Mazned : Ce type de plateforme professionnelle s'est développé dans de nombreux pays, principalement dans ceux du Nord. En Afrique, berceau de beaucoup de musiques, peu de marchés régionaux œuvrent pour faire découvrir et valoriser les artistes et les musiques du territoire. Néanmoins, aucune organisation n'avait été imaginée pour développer le rayonnement à l'international de notre riche diversité musicale. De plus, à l'ère du numérique, les industries créatives restent timides dans notre région, malgré les profondes mutations que connaît la musique actuellement. On a donc créé, à Rabat, Visa For Music qui réunit la filière du continent mais aussi du Moyen-Orient en se distinguant de tous les festivals qui fleurissent au Maroc. En effet, notre dessein est d'accompagner les professionnels du secteur, les artistes dans leur développement en leur offrant la possibilité de se rencontrer, d'échanger, de se former et de tisser des réseaux. Notre tâche est immense, mais le challenge est passionnant. Quel constat faites-vous de ces quatre éditions ? Et qu'en est-il de son impact culturel et économique ? Chaque édition voit croître l'impact et les retombées de Visa for Music pour les artistes, pour la profession et pour le territoire. Pour les artistes, nous pouvons mesurer l'accroissement significatif du nombre de contrats qu'ils signent, de concerts qu'ils projettent, de tournées qu'ils organisent, de résidences auxquelles ils participent à travers le monde. Au niveau économique, Visa For Music rapporte chaque année un chiffre d'affaires de plus d'un million de dollars au tourisme local et permet aussi à Rabat d'être au centre de l'attention et de mettre notre pays en position de leadership dans le domaine musical et culturel au sens large. À travers cette initiative, pensez-vous que la musique africaine a pu se frayer une plus importante place à l'international ? Le VFM lui a-t-il permis d'acquérir plus de visibilité ? L'Afrique occupe une place toute particulière dans l'univers de la musique, comme d'ailleurs dans beaucoup d'autres domaines artistiques. La musique africaine interpelle par la richesse de ses rythmes, par la chaleur de ses sonorités et l'extraordinaire histoire qu'elle véhicule. Toutes ces caractéristiques font qu'aujourd'hui cette musique est de plus en plus appréciée et demandée sur les scènes internationales. Visa For Music crée de l'élan, accompagne et dynamise la visibilité des artistes confirmés ou en devenir. Le 5e VFM se déroule du 21 au 24 novembre, quelles sont les grandes lignes de cette édition ? Suite à l'appel à projet, avez-vous reçu autant de candidatures que les années précédentes ? Une nouvelle fois, notre démarche d'appel à candidatures se révèle être un immense succès. En effet, ce sont plus de 800 candidatures qui nous sont parvenues, de groupes issus de plus de 70 pays : du Canada à la Jordanie, de la Corée du Sud à l'Italie, du Sénégal aux Caraïbes. À cette occasion, nous avons pu, une nouvelle fois, apprécier les qualités artistiques très diverses des musiciens. De cette édition, nous retiendrons de très belles expressions féminines, l'esprit novateur de certains ainsi que l'ouverture artistique de tous. Après de longues discussions, notre jury a sélectionné une cinquantaine de groupes qui se produiront durant la durée du festival, sur les quatre scènes rbatis investies cette année. Cette année, nous aborderons la place des femmes artistes en Afrique et au Moyen-Orient, et celle des acteurs culturels du Sud dans les marchés professionnels, les fondamentaux de la collecte de fonds et bien d'autres thèmes liés aux exigences actuelles. Concernant le volet financier, faites-vous appel à du sponsoring ou alors au ministère de la Culture ? Est-ce facile d'organiser un tel évènement ? Malgré l'enthousiasme et l'investissement de nos mécènes et sponsors, Visa For Music souffre d'un manque de moyens qui freine son expansion et fragilise son avenir. À ce jour, les conditions financières ne sont pas réunies pour que je puisse vous affirmer qu'une nouvelle édition verra le jour l'année prochaine. La pérennité de notre magnifique projet n'est malheureusement pas assurée. À la naissance du projet, nous avons été accompagnés par le ministère de la Culture, mais aujourd'hui, nous sommes à la recherche d'autres partenaires, sponsors ou mécènes. L'organisation d'un tel événement demande une grande connaissance du milieu artistique, de ses acteurs, de leurs besoins, de leurs attentes. Visa For Music se distingue de l'organisation d'un marché professionnel pour qui le principal objectif demeure la rencontre fournisseur/client. Notre filière a la particularité de faire découvrir des hommes, des sensibilités et des univers qui seront ensuite, nous l'espérons, appréciés dans le monde entier. Ce côté sensible est à la fois passionnant, enrichissant mais aussi assez subjectif. Cette complexité implique un travail long que certains sponsors confrontent à leur volonté d'impact immédiat. Entretien réalisé par : Hana Menasria