Le rassemblement pacifique d'hier matin à Oran, en solidarité avec tous les détenus politiques, d'opinion et les journalistes, s'est heurté à un dispositif sécuritaire sans commune mesure avec le nombre de personnes ayant répondu présent à cette occasion. Et pour cause. Très tôt le matin, la place du square Port Saïd, lieu du rassemblement sur le front de mer, était totalement bloquée par les forces de l'ordre en grand nombre, jusqu'aux simples passants en cette matinée fraîche, qui ont été sommés par la police de continuer leur chemin. Y compris les journalistes venus couvrir l'événement qui se sont vu signifier l'interdiction de rester. "Il est interdit de rester ici, partez où on vous embarque, vous participez à un rassemblement interdit !" lâchera un officier à des journalistes qui étaient là pour faire leur travail. Une attitude nerveuse et agressive des forces de l'ordre, qui aura eu pour effet de provoquer un tout autre déroulement au rassemblement pacifique, dont l'appel avait été lancé par le bureau d'Oran de la Laddh. Cette manifestation pacifique a vu, après Alger et Béjaïa, la mobilisation d'une trentaine de personnes dont des militants des droits de l'Homme, de syndicalistes du Snapap, des universitaires, des chefs d'entreprise venus à titre individuel et, surtout, les représentants des comités de solidarité aux détenus politiques et d'opinion et les journalistes, le comité de soutien à Merzoug Touati, des lanceurs d'alerte, tous venant parfois de très loin, de Béjaïa, de Batna, d'Alger, de Tlemcen, de Relizane, de Tiaret... Littéralement chassés, pourchassés et repoussés sans ménagement vers des ruelles adjacentes, les protestataires ont du coup improvisée une marche, qui n'était pas prévue au départ, et ce, jusqu'à la place des Victoires. Devant le siège de la Laddh, des pancartes ont été brandies réclamant "une justice indépendante", "le respect de la Constitution", "pour la liberté de la presse". Il y a eu des prises de parole, tour à tour par le vice-président de cette organisation, le représentant du syndicat de la presse électronique et Fodil Boumala. À noter la présence du réalisateur Bachir Derraïs, venu pour exprimer sa solidarité avec Merzoug Touati et tous les militants et détenus d'opinion, dira-t-il. Le système répressif de l'Etat, avec ses velléités de remettre en cause les libertés fondamentales en Algérie, sera dénoncé par les intervenants. "La justice et la police sont utilisées pour réprimer les citoyens pacifiques qui luttent pour les libertés, sans liberté de la presse, sans justice indépendante, il ne peut y avoir de démocratie", lâchera le représentant de la Laddh d'Oran. Les agents de l'ordre qui resserraient un peu plus les manifestants, au point de les enfermer dans le hall de l'immeuble où siègent la Laddh et les syndicats autonomes, seront interpellés. "Au lieu de vous en prendre aux citoyens, aux journalistes, pourquoi l'Etat n'arrête-t-il pas les corrompus, les voleurs ?", avons-nous entendu. D'autres feront référence "au pouvoir" qui en arrive à "provoquer le départ de centaines d'Algériens mourant en mer noyés". Au moment où des passants, des curieux, montraient un intérêt pour ce qui se passait, l'ordre fût donné, encore une fois, de disperser tous les présents jusqu'aux dames d'un certain âge passant par-là, et sommées de faire demi-tour. D. LOUKIL