Les récentes sorties du général-major à la retraite, Ali Ghediri, semblent avoir fait l'effet d'une bombe au sein de l'institution militaire. Dans une réaction, autant inattendue qu'intempestive, publiée sur le site du MDN, l'Armée nationale a sorti la grosse artillerie contre l'officier supérieur en retraite, qu'elle accuse de "chercher à assouvir des ambitions personnelles", dont la démarche procède, selon elle, d'une "machination". "À l'approche de l'échéance électorale présidentielle, certains individus mus par des ambitions démesurées et animés par des intentions sournoises tentent et par tous les moyens, notamment les médias, de préjuger des prises de position de l'institution militaire vis-à-vis de l'élection présidentielle et s'arrogent, même, le droit de parler en son nom", souligne le texte. Après une lettre ouverte adressée au président Bouteflika, début novembre, dans laquelle il "l'exhorte à éviter à l'Algérie une redescente aux enfers" et accusant "une minorité de se servir de son image", Ali Ghediri est revenu à la charge, dans un entretien à El Watan, le 25 novembre dernier, dans lequel il soutient, à propos de la prochaine présidentielle, que le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah ne peut laisser faire une option anticonstitutionnelle comme la "continuité ou le report". "Connaissant de près le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, je me défends de croire qu'il puisse avaliser la démarche d'aventuriers. Il peut être conciliant sur nombre de choses, mais lorsqu'il s'agit de la nation, de la stabilité du pays, là, il redevient le moudjahid et reprend sa figure de maquisard. Je ne pense pas qu'il puisse faire le jeu de ceux qui sont nourris par des instincts autres que nationalistes", a déclaré l'ancien directeur central au ministère de la Défense. Par ailleurs, se prévalant d'être "pragmatique", Ali Ghediri soutient que l'Algérie n'a pas transformé son "potentiel en puissance" qui aurait fait d'elle un "Etat-pivot" dans la région. "En agissant ainsi, ces individus aigris et sans envergure, qui ne lésinent pas sur l'emploi des moyens les plus déloyaux, visent sans succès à influencer l'opinion publique et à s'affubler de la crédibilité qui leur fait énormément défaut. N'ayant pas trouvé d'échos à leurs interventions écrites récurrentes, diffusées dans les médias, ces derniers qui se sont improvisés pour la circonstance, en experts pluridisciplinaires, ont été a priori instruits de s'adresser au Haut Commandement de l'Armée nationale populaire, comme ultime recours", écrit le MDN. "Ce faisant, ils oublient que les principes immuables qui ont, de tout temps, guidé l'ANP, digne héritière de l'ALN, font d'elle une institution au service du seul peuple algérien, lequel voit en elle ce rempart inébranlable qui protège l'Algérie contre tous les dangers et lui assure la sérénité et la quiétude", ajoute le texte. Machination Pour les rédacteurs du texte qui intervient, au lendemain de la tenue d'un Conseil des ministres, Ali Ghediri a rejoint des "cercles occultes" pour des "ambitions personnelles". "C'est d'autant plus regrettable que ces faits sont l'œuvre de certains militaires à la retraite qui, après avoir longtemps servi dans les rangs de l'ANP, rejoignent des cercles occultes, et ce, dans le seul but d'assouvir des ambitions personnelles démesurées, qu'ils n'ont pu réaliser à l'intérieur de l'institution", accuse le MDN. "Pour parvenir à leurs fins, ces gens-là qui ont fait abstraction de toute considération à l'obligation de réserve à laquelle ils sont astreints, en vertu de la loi n°16-05 du 03 août 2016 et sous peine de laquelle ils peuvent être poursuivis en justice, s'essayent à la politique, avec comme seul attribut l'esprit revanchard, et se permettent, sans respect de toute forme d'éthique et de déontologie, de s'ériger en donneurs de leçons." "Perdant le sens de la mesure, ces individus s'accordent une vocation et une dimension qui ne sont pas les leurs, et se lancent, sans aucun scrupule, dans des affabulations débridées, découlant d'un narcissisme maladif, qui les pousse jusqu'à prétendre bien connaître le Haut Commandement de l'ANP pour prévoir sa position vis-à-vis de l'élection présidentielle." Pour le MDN, les propos alarmistes de Ghediri procèdent d'une démarche liée à une machination. Menaces de poursuites judiciaires Autre torpille du MDN : elle l'accuse de reprendre un discours "dicté par ses mentors" concernant la question d'accorder la chance aux jeunes pour assumer des responsabilités au sommet de l'Etat. Le MDN doit sans doute soupçonner que l'accusation viserait Gaïd Salah, un octogénaire, tout comme d'autres officiers et responsables. "L'incohérence du discours développé par ces derniers, notamment concernant la question lancinante d'accorder la chance aux jeunes pour assumer des responsabilités au sommet de l'Etat, qui leur est, vraisemblablement, dicté par leurs mentors, trahit leurs véritables intentions et leur approche maladroite, en ce sens que cette question n'a absolument pas lieu d'être posée et, pour cause, la quasi-totalité des hautes fonctions de l'Etat sont occupées à l'heure actuelle par des cadres, issus de la période postindépendance", souligne le texte. Elle lui dénie, également, les compétences pou parler de "géostratégie" et minimiser la stratégie sécuritaire de l'Algérie. "Dans une tentative ratée de se faire prévaloir d'un soi-disant pragmatisme et réalisme, l'analyse développée sur le statut de l'Algérie au niveau régional par ces apprentis analystes révèle, à bien des égards, que la connaissance dans le domaine géostratégique, dont ils se targuent sans en maîtriser les contours, ne les prédispose, même pas, à saisir le sens du concept ‘Etat pivot', et trahit leur intention de minimiser les acquis réalisés à la faveur de la stratégie sécuritaire adoptée par le Haut Commandement, y compris en termes de coopération régionale et internationale, qui est mise en œuvre dans le cadre du strict respect des dispositions de la législation nationale." Le MDN n'hésite pas enfin à brandir la menace d'un éventuel recours à la justice. "Compte tenu de ces agissements récurrents qui ont dépassé, par leur indécence, le seuil de l'intolérable, notre institution se réserve le droit de faire appliquer à l'encontre de leurs auteurs les mesures légales appropriées." Karim Kebir