Ce n'est pas la première fois que des tensions ont opposés les Etats-Unis à la Turquie dans la région du Proche-Orient. Mais les ambitions expansionnistes d'Erdogan commencent à inquiéter, y compris au sein des alliés d'Ankara. Les menaces du président américain de dévaster l'économie turque si Ankara attaquait les Kurdes, ne semblent pas être prises au sérieux par la Turquie, qui a affirmé hier ne pas être intimidée. "Nous (...) ne serons intimidés par aucune menace. Les menaces économiques ne mèneront à rien", a déclaré le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, lors d'une conférence de presse hier à Ankara, estimant que "des partenaires stratégiques ne sont pas censés se parler par Twitter (...). Nos canaux (de communication) sont ouverts". Le chef de la diplomatie turque a par ailleurs souligné que son pays "n'est pas contre" la création d'une zone de sécurité d'une trentaine de kilomètres de largeur en Syrie évoquée par M. Trump, rappelant que la Turquie avait plusieurs fois réclamé ces dernières années la création d'une telle zone, en vain. De son côté, le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin, a répondu également au tweet du président américain, en déclarant un peu plus tôt : "Les terroristes ne peuvent pas être vos partenaires et alliés (...) Il n'y a aucune différence entre l'EI (...) et les YPG. Nous continuerons de les combattre tous". Ceci étant, les menaces du président américain contre la Turquie interviennent alors que le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo effectue une tournée au Moyen-Orient visant à rassurer les alliés des Etats-Unis. Reste à savoir si cette brusque hausse de la tension entre les Etats-Unis et la Turquie au sujet du sort des Kurdes de Syrie, qui ont lutté aux côtés des Etats-Unis contre le groupe terroriste autoproclamé Etat islamique, aura des répercussions négatives sur les rapports entre Ankara et Washington. En tout état de cause, la perspective de nouvelles sanctions économiques contre Ankara a fait chuter la livre turque à l'ouverture hier, lui faisant perdre plus de 1% de sa valeur face au dollar par rapport à vendredi soir. Des sanctions économiques imposées par les Etats-Unis contre la Turquie l'été dernier en raison de la détention d'un pasteur américain avaient provoqué l'effondrement de la devise turque. La libération du pasteur en octobre avait permis à la livre de se redresser. Si Ankara, l'un des principaux acteurs en Syrie, semble actuellement concentrer ses efforts sur une éventuelle offensive contre les forces kurdes, il est aussi impliqué à Idleb, ultime bastion des terroristes dans le nord-ouest du pays, où il a parrainé avec Moscou en septembre un accord de cessez-le-feu qui a permis d'éviter une attaque du régime. Il y a lieu de rappeler que la visite effectuée la semaine dernière à Ankara par le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, n'avait pas permis de surmonter les désaccords, donnant lieu au contraire à une nouvelle passe d'armes entre les deux pays au sujet des forces kurdes. Merzak Tigrine