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Une conjoncture difficile à surpasser
Crise diplomatique américano-turque
Publié dans El Watan le 04 - 08 - 2018

Washington et Ankara s'opposent déjà sur plusieurs questions. Entre autres, la question des milices kurdes syriennes et l'extradition du prédicateur Fethullah Gülen, réclamée par le président Recep Tayyip Erdogan.
Pas d'issue à la crise qui envenime les relations entre les Etats-Unis et la Turquie, selon des médias. Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, s'est entretenu hier avec son homologue turc, Mevlüt Cavusoglu, pour réaffirmer sa «détermination» à obtenir la libération d'un pasteur américain. Mais Ankara continue de rejeter les «menaces» de Washington.
La rencontre s'est déroulée en marge d'un forum de pays d'Asie du Sud-Est à Singapour, alors que les relations déjà très tendues se sont encore envenimées autour du sort du pasteur Andrew Brunson, en résidence surveillée en Turquie où il est jugé pour «espionnage» et «terrorisme».
L'administration de Donald Trump a annoncé, cette semaine, des sanctions contre les ministres turcs de la Justice et de l'Intérieur, Abdulhamit Gül et Süleyman Soylu, pour leur rôle dans cette affaire. Le coup de froid entre Ankara et Washington, alliés au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), s'est transformé en crise diplomatique.
A Singapour, les deux délégations ont salué une conversation «constructive». Mais le ton reste à la fermeté de chaque côté. «Les Turcs avaient été prévenus qu'il était temps qu'ils nous rendent le pasteur Brunson, et j'espère qu'ils vont voir» ces sanctions «pour ce qu'elles sont, la preuve de notre grande détermination», a déclaré avant la rencontre Mike Pompeo, cité par l'APS.
«Le pasteur Brunson est un pasteur innocent et ils doivent le laisser rentrer aux Etats-Unis. Ils doivent laisser partir nos personnels employés là-bas, tout le monde doit pouvoir partir. C'est ça le message», a-t-il soutenu. Deux employés locaux des missions américaines en Turquie sont actuellement en détention et un autre est assigné à résidence surveillée. Il a toutefois assuré «espérer» pouvoir trouver «une issue» à cette crise.
A la fin de l'entretien, sa porte-parole, Heather Nauert, a déclaré que les deux pays allaient «continuer à essayer de résoudre leurs problèmes». «Avec M. Pompeo, nous avons discuté de la manière de résoudre nos problèmes, de la manière de prendre des mesures ensemble», a déclaré de son côté le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlüt Cavusoglu, qualifiant la rencontre de «constructive».
Mais «on ne peut pas s'attendre à ce que tous les problèmes soient résolus après une seule rencontre», a-t-il ajouté, alors que les deux ministres se sont en fait rencontrés et entretenus au téléphone à plusieurs reprises, sans résultat jusqu'ici. Le chef de la diplomatie turque a de nouveau rejeté la stratégie américaine.
«Nous disons depuis le début que le langage menaçant et les sanctions n'auront aucun résultat. Nous l'avons répété aujourd'hui », a-t-il indiqué, plaidant pour «la diplomatie et le dialogue, une compréhension mutuelle et des accords». Ankara a déjà promis des représailles après les sanctions américaines jugées «inacceptables».
Autres contentieux
Le président américain, Donald Trump, son vice-président, Mike Pence, et Mike Pompeo ont fait de la libération du pasteur une priorité. Ils ont haussé nettement le ton, la semaine dernière, après le placement en résidence surveillée d'Andrew Brunson, qui a passé un an et demi en détention et encourt jusqu'à 35 ans de prison.
Andrew Brunson est accusé de «terrorisme» et d'«espionnage» pour le compte de deux organisations classées «terroristes» en Turquie, le réseau du prédicateur Fethullah Gülen, qui vit aux Etats-Unis, et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Mais il se dit innocent. Ankara réclame de son côté, sans succès jusqu'ici, l'extradition du prédicateur Fethullah Gülen, désigné par le président Recep Tayyip Erdogan comme l'instigateur du putsch avorté de juillet 2016 en Turquie, accusations rejetées par l'intéressé.
Les deux capitales s'opposent aussi sur la question des milices kurdes syriennes, à savoir les Unités de protection du peuple kurde (YPG). Pour Washington, ces milices constituent une force importante pour combattre le groupe Etat islamique (EI). En revanche, aux yeux d'Ankara, elles ne sont que l'extension en Syrie du PKK qui livre, depuis 1984, une sanglante guerre à l'Etat turc.
Il est classé «organisation terroriste» par la Turquie et ses alliés occidentaux. En janvier dernier, la Turquie a lancé dans le nord-ouest de la Syrie une offensive contre les YPG, considérées par Ankara comme une organisation terroriste. Opération qui a suscité l'ire de Washington. Les deux alliés se sont finalement accordés début juin, au terme de tractations diplomatiques, sur une «feuille de route» pour coopérer.
En octobre 2017, les Etats-Unis et la Turquie annoncent une suspension réciproque des délivrances de visas. La crise a commencé dimanche 8 octobre, lorsque les Etats-Unis ont annoncé suspendre la délivrance des visas par leurs missions diplomatiques en Turquie, sauf les visas d'immigration. La mesure a été prise pour protester contre l'arrestation de Metin Topuz, un employé turc du consulat américain à Istanbul, inculpé par la justice turque, le 4 octobre, pour «espionnage» et appartenance au mouvement «terroriste» de Fethullah Gülen.
Accusation «dénuée de fondement», selon les Etats-Unis, une initiative qui ressemble davantage à «la poursuite d'une vengeance plutôt qu'à une quête de justice», a observé l'ambassadeur américain en Turquie, John Bass. En riposte aux restrictions américaines, la Turquie a suspendu à son tour la délivrance des visas pour les ressortissants américains.
Par ailleurs, Ankara se rapproche de Moscou. Le 9 août 2016, la Turquie et la Russie entament un processus de réconciliation après une crise née de la destruction par l'aviation turque d'un avion militaire russe au-dessus de la frontière syro-turque fin 2015.
Le 24 du même mois, la Turquie déclenche une offensive terrestre dans le Nord syrien contre l'EI, mais aussi le PKK. Il s'agit de l'opération «Bouclier de l'Euphrate». Jusque-là, Ankara appuie l'opposition au régime de Bachar Al Assad soutenu par Moscou.


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