L'opération militaire turque, baptisée «Rameau d'olivier», menée à Afrine contre les Kurdes des YPG (Unités de protection du peuple) a renforcé les tensions entre la Turquie et les Etats-Unis. Washington a appelé les dirigeants turcs à faire preuve de «retenue» dans leurs actions, mais aussi dans leur «rhétorique» fortement anti-américaine. Alliés de Washington dans la lutte contre Daech, les Kurdes des YPG sont considérés comme une milice «terroriste» par Ankara qui les soupçonne de vouloir faire jonction avec le PKK, surtout que maintenant ils ont des armes. La Turquie les considère clairement comme une menace à sa sécurité. Le PKK est en opposition armée, sous forme de guérilla, avec la Turquie depuis 1984. A sa création, il visait l'indépendance des territoires à population majoritairement kurde se situant dans le sud-est de la Turquie, région constituant une partie du Kurdistan ; à présent, les revendications d'indépendance du PKK se sont muées en demandes d'autonomie culturelle au sein d'un système fédéral plus large. Justement, les Turcs suspectent les Américains de chercher à créer une zone tampon dans la région qui serait dirigée par les Kurdes et où ils implanteraient des bases, une perspective à laquelle s'opposent autant les Russes, les Syriens que les Irakiens. Ankara reproche ainsi à la Maison-Blanche de continuer à fournir des armes aux YPG. «Il faut que les Etats-Unis rompent totalement avec (les YPG), qu'ils récupèrent les armes qu'ils leur ont données», a déclaré le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. Selon la Présidence turque, le conseiller à la sécurité nationale du président américain, H. R. McMaster, a réitéré au porte-parole du chef de l'Etat turc, Ibrahim Kalin, que Washington ne fournirait plus d'arme aux YPG, dans un entretien téléphonique vendredi soir. «Au-delà des paroles, nous voulons maintenant voir des actions concrètes», a commenté M. Cavusoglu. Le chef de la diplomatie turque a appelé, par ailleurs, hier les Etats-Unis à retirer «immédiatement» leurs militaires déployés à Minbej. «Il faut qu'ils (les Etats-Unis) se retirent immédiatement de Minbej», a déclaré Mevlüt Cavusoglu à des journalistes à Antalya. Tenue également par les Kurdes, la ville de Minbej est située à une centaine de kilomètres à l'est de la région d'Afrine. Plusieurs centaines de militaires américains y sont déployés. Vendredi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, avait menacé d'étendre à cette ville, et plus à l'est, jusqu'à la frontière irakienne, l'offensive actuelle d'Ankara en Syrie, au risque d'entrer en confrontation directe avec les forces américaines. Evoquée depuis plusieurs mois, l'intervention turque à Afrine a été précipitée par l'annonce de la création prochaine, par la coalition luttant contre les terroristes menée par Washington, d'une «force frontalière» incluant notamment des YPG. De nombreux observateurs attirent l'attention sur le fait que la campagne militaire menée par la Turquie à Afrine était en train de tourner au massacre. Environ 15 000 personnes ont manifesté hier à Cologne, en Allemagne, contre l'offensive. La police a dispersé le rassemblement après que des symboles du PKK eurent été brandis. D'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les affrontements dans la région d'Afrine ont fait depuis samedi plus de 110 morts dans les deux camps et 38 civils ont été tués, pour la plupart dans des bombardements turcs. Selon l'Unicef, au moins 11 enfants sont morts dans des bombardements.