Force est de constater, malheureusement, que dans sa guerre contre les gros fraudeurs, elle fait de nombreuses victimes collatérales, abonnés ordinaires qui ne sont ni de mauvais payeurs ni de gros consommateurs. Dans sa détermination à recouvrer les créances et de lutter contre les mauvais payeurs, Sonelgaz est passée à la vitesse supérieure en opérant des coupures d'électricité, sans suivre le protocole qui veut que l'abonné reçoive d'abord un avis de coupure: "Avant, nous prenions cette mesure extrême après une deuxième facture impayée et la transmission à l'abonné d'un avis de coupure. Aujourd'hui, il suffit de quelques jours de retard sur une créance pour que nous coupions l'électricité. Ce sont les instructions !", a expliqué un employé de Sonelgaz exerçant dans une agence de Bir El-Djir. De fait, de nombreux abonnés ont été brutalement privés de lumière sans avertissement préalable, et beaucoup se sont retrouvés dans l'incapacité de réagir ayant découvert la mauvaise surprise en fin d'après-midi, au retour de leur travail : "Je n'ai même pas trouvé d'avis de coupure et je n'ai qu'une semaine de retard sur le paiement d'une seule facture. C'est quand même abusif", s'est insurgé un abonné dans l'une des agences commerciales de Sonelgaz en soulignant, à juste titre d'ailleurs, qu'il existait différents moyens d'avertir les abonnés oublieux : "Je veux bien qu'on soit trop paresseux pour déposer un avis de coupure dans la boîte aux lettres. Mais il y a le téléphone et internet. Pourquoi ne pas envoyer à l'abonné un SMS l'avertissant du risque de coupure ?", s'est-il interrogé, ulcéré que ses enfants aient passé une nuit dans le noir pour seulement une semaine de retard. "Encore heureux que la nuit n'a pas été froide et que mon chauffage fonctionne au gaz", s'est-il consolé. L'électricité a été, certes, rétablie quelques heures après le règlement de la facture, mais l'abonné n'a pas encore digéré ce qu'il considère comme une injustice : "Je sais qu'il y a de mauvais payeurs, mais on n'agit pas de la sorte dans une société civilisée, on ne prive pas des foyers d'électricité, surtout en hiver. Et puis, les créances les plus importantes sont détenues auprès des établissements publics et non pas auprès des petits abonnés comme nous." Lors d'un regroupement des cadres dirigeants et syndicaux qui s'est tenu à Oran en octobre 2018, au cours duquel l'accent avait été mis sur la nécessité d'accélérer le recouvrement des créances, Achour Telli, président de la Fédération nationale des travailleurs des industries électriques et gazières, avait pourtant souligné que ce n'est pas l'abonné ordinaire qui vole Sonelgaz mais "les autres" en allusion certainement aux gros clients de la compagnie que sont les établissements du service public et les entreprises économiques. Un mois plus tard, Sonelgaz avait averti de la préparation d'une vaste opération de coupure d'alimentation électrique et de gaz en direction des abonnées ordinaires, mauvais payeurs, en précisant qu'elle allait être lancée après toutes les tentatives à l'amiable utilisées par la direction pour le recouvrement des créances impayées (…). "Cette situation nous met dans l'obligation de procéder à la coupure de l'alimentation en énergie électrique et de gaz pour beaucoup de nos abonnées ordinaires qui fuient le paiement de leurs factures", a expliqué Sonelgaz en insistant sur la nécessité de récupérer des créances dépassant les 1 046 millions de dinars. Force est de constater, malheureusement, que dans sa guerre contre les gros fraudeurs, Sonelgaz fait de nombreuses victimes collatérales, abonnés ordinaires qui ne sont ni de mauvais payeurs, ni encore moins de gros consommateurs d'énergie électrique et gazière.