Les propos tenus, jeudi au Sénat, par le ministre des Finances rompent avec son précédent discours qui excluait toute révision à la hausse de la fiscalité imposée aux ménages et aux entreprises. "La situation financière actuelle du pays ne permet pas de généraliser le dégel des projets à tous les secteurs, mais nous œuvrerons, néanmoins, pour améliorer les recettes des fiscalités ordinaire et pétrolière afin de poursuivre l'opération du dégel", a déclaré le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, jeudi, lors d'une séance plénière du Conseil de la nation. Un discours qui rompt avec ses précédents propos qui excluaient toute révision à la hausse de la fiscalité imposée aux ménages et aux entreprises. À moins que le ministère des Finances ne compte revenir aux bonnes pratiques en matière de collecte d'impôts et de justice fiscale. Au-delà des discours populistes de 2018 précédant les arbitrages budgétaires au titre de l'actuel exercice, un rapport du Fonds monétaire international (FMI), rédigé à l'issue des consultations avec les autorités algériennes, dans le cadre de l'article IV des statuts du Fonds, levait le voile sur les velléités du gouvernement qui assurait qu'il allait reprendre dès 2019 l'assainissement des finances publiques. Lequel, après les maigres opérations de 2016 et de 2017, a été abandonné en 2017 au profit de la planche à billets qui allait camoufler la mauvaise gestion des finances publiques et les difficultés de réduire les dépenses, particulièrement le budget de fonctionnement. Face à l'amenuisement des ressources et au risque que l'effet pervers de la planche à billets surgisse, les débats futurs se concentreront sans l'ombre d'un doute sur les capacités du gouvernement à redresser les finances publiques tout en slalomant entre les impératifs de réforme, dont certaines seront inévitablement impopulaires, et les incertitudes qui minent le marché pétrolier, dont dépend la valeur du produit de la fiscalité pétrolière. Durant les premières années ayant suivi le choc externe de 2014, les autorités ont recouru à l'artifice monétaire pour augmenter les recettes en dinars de la fiscalité pétrolière. L'usage excessif d'un tel levier s'est soldé par un rebond de l'inflation, ce qui a amené l'autorité monétaire à tirer le frein à main, d'autant plus qu'une dévaluation plus prononcée du dinar, combinée à une création monétaire sans contrepartie productive, ne ferait que titiller les tensions inflationnistes. Pour ainsi dire, l'Exécutif se livrera à un exercice d'une rare complexité, une conséquence directe des années de retard à mettre en œuvre les réformes budgétaires et économiques qui, si elles étaient appliquées au bon moment, les risques budgétaires ne seraient pas aussi élevés et le gouvernement disposerait d'une marge de manœuvre à même de renforcer la résilience de l'économie. L'objectif d'améliorer les recettes de la fiscalité ordinaire, annoncé jeudi par le ministre des Finances, s'inscrirait dans la mise en œuvre du plan d'assainissement des finances publiques prévu cette année. Il porterait sur l'impératif de mobiliser davantage de recettes hors hydrocarbures en élargissant l'assiette fiscale (en limitant les exonérations et en renforçant le recouvrement de l'impôt, ce qui est également une question d'équité), d'abaisser progressivement les dépenses courantes en pourcentage du PIB et réduire les coûts de l'investissement tout en en améliorant l'efficience, etc. La fusée des réformes n'est pas encore mise sur orbite, et les premières mesures fiscales verront probablement le jour avec la loi de finances complémentaire 2019 ; une fois que les affaires du cinquième mandat auront été probablement solutionnées. Encore une fois, le calendrier politique prime sur l'intérêt général. Une chose est sûre, l'Exécutif ne peut plus se permettre le luxe de repousser les réformes, mais la pilule sera dure à avaler. Ali Titouche