Nous sommes sortis du parti unique, pour tomber sur l'homme unique, sacralisé jusqu'à le comparer à un envoyé de Dieu", regrette-t-il. Invité hier du Forum de Liberté, Abdelaziz Belaïd, président du Front El-Moustakbal, a commenté logiquement la grande mobilisation citoyenne contre la candidature du président Bouteflika à un cinquième mandat. Dès l'entame de sa conférence, il a rappelé que les changements au sommet des Etats surviennent par trois voies. Les urnes, option inenvisageable en Algérie à cause de la fraude, a-t-il affirmé. La mue opérée par le régime lui-même, comme en 1989 par l'ouverture démocratique. Le pays n'est pas dans cette configuration puisque les gens actuellement au pouvoir ne veulent nullement le céder. "Depuis vingt ans, le régime entreprend des réformes de ses réformes pour durer", a-t-il expliqué. Il reste la rue, qui a la capacité, si elle se mobilise réellement, d'imposer l'alternance aux plus hautes fonctions de la hiérarchie institutionnelle. "Nous voulons que ce peuple bouge. Ce vendredi, il nous a donné de l'espoir. Le parti est engagé avec lui", a témoigné le conférencier, puis d'informer que le bureau politique de son parti s'est réuni, de manière extraordinaire, dans la soirée de vendredi. Deux résolutions ont été adoptées : rester attentif à la demande des citoyens et engager l'élection présidentielle avec des instances démocratiques et indépendantes. En clair, le chef de file du Front El-Moustakbal, agréé en 2012, se porte quasi officiellement candidat à la magistrature suprême, après avoir entretenu le doute sur sa décision pendant quelques jours. "Nous avons créé un parti politique pour arriver au pouvoir. Nous nous battrons pour atteindre cet objectif", s'est-il justifié. Que vaut une participation à la présidentielle dans le contexte présent ? "Le scrutin doit se tenir dans les délais réglementaires pour éviter que l'on déclare l'état d'exception puis une phase de transition pendant laquelle le militantisme et l'activité politique seront bloqués", a prévenu Abdelaziz Belaïd. Optimiste, il a soutenu qu'il sera possible d'arrêter, cette fois-ci, la fraude, et de démasquer ses auteurs grâce aux électeurs. "Ce peuple est capable de miracles. Il est comme l'oued du Sahara, il dort pendant 70 ans, mais quand il se réveille et bouge, il charrie tout sur son passage." Il a utilisé cette métaphore pour montrer que les parties (essentiellement les alliés du président Bouteflika) qui sous-estiment le grondement de la rue ont tort. Pourtant, à son avis, le cercle des soutiens au maintien d'Abdelaziz Bouteflika aux commandes du pays, malgré sa santé chancelante, "iront jusqu'au bout" sans considération pour les centaines de milliers de citoyens qui expriment très fort et clairement leur rejet du 5e mandat. "Je veux que l'élection présidentielle se tienne sans Bouteflika, car le peuple l'exige. C'est au Conseil constitutionnel de dire que sa candidature n'est pas valable. Nous savons tous qu'il est malade", a-t-il insisté. À partir de là, il a eu les mots durs pour son entourage. "Nous sommes sortis du parti unique, pour tomber sur l'homme unique, sacralisé jusqu'à le comparer à un envoyé de Dieu", a regretté l'invité du Forum de Liberté. Il a dit avoir honte de l'allégeance outrancière au chef de l'Etat. "Ce sont les faibles qui baissent la tête et font de l'aplaventrisme. Toutes les institutions de l'Etat sont devenues des comités de soutien à un Président qui n'a rien réalisé en vingt ans", a-t-il asséné, estimant très grave que le nouveau président du Conseil constitutionnel fasse obédience au président de la République avant de prêter serment d'être garant du respect des dispositions de la loi fondamentale. Souhila Hammadi